Le maire LR décide de parrainer le FN et reçoit Marine Le Pen dans sa commune
Pour avoir apporté son parrainage au parti frontiste, le maire du Vaudoué et conseiller départemental du canton de Fontainebleau, Pierre Bacqué, avait vu sa délégation de président du Sdis 77 lui être retirée par le patron du Département, Jean-Jaques Barb
« Marine, on t’aime ! » « Merci Monsieur le maire ! » « Marine ! Marine ! Marine ! » Ce vendredi 3 mars à 15 h 30, c’était un peu l’effervescence au Vaudoué. C’est dans ce petit village du Gâtinais de 783 habitants et sous l’acclamation de plusieurs supporters venus de la commune et d’ailleurs, que le maire et également conseiller départemental du canton de Fontainebleau, Pierre Bacqué, a reçu Marine Le Pen. Le but : officialiser son parrainage apporté à la candidate du Front national à l’élection présidentielle.
La veille, son geste, qu’il qualifie de « démocratique et purement personnel », avait été sanctionné par le président (LR) du Département Jean-Jacques Barbaux : Pierre Bacqué ne sera désormais plus le président du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de Seine-et-Marne, l’une de ses nombreuses délégations
au conseil départemental. « Ce n’est pas le parrainage de Pierre Bacqué qui me pose problème, chaque élu est en droit de parrainer le candidat qu’il veut, confie Jean-Jacques
Barbaux. Mais ici, c’est un soutien politique revendiqué au Front national et le Sdis 77 est une entité qui se doit d’être
exemplaire. Je lui voue une grande amitié mais son soutien affirmé est incompatible avec la politique menée au Département. Il est instrumentalisé par la communication du FN. »
En mairie, devant une foule de journalistes, et plusieurs dizaines d’habitants tous conquis par la présidente du FN qui était à ses côtés pour signer son acte de parrainage, Pierre Bacqué s’est d’abord expliqué sur l’origine de
sa décision : « J’ai quitté, il y a une dizaine de jours, mon parti politique auquel j’adhérais depuis 45 ans et autant d’années de loyauté. Mais de plus en plus, j’étais fatigué d’avaler les couleuvres. Ce qui m’a surtout décidé, c’est de voir notre candidat à la présidentielle, François Fillon, qui a pour priorité la cupidité familiale et personnelle. Et qui décide, dans un premier temps de ne pas se retirer avec dignité malgré ses défauts exposés sur la place publique, puis de se parjurer en restant dans la course, même mis en examen, alors qu’il avait juré le contraire une semaine avant. Et tout ça avec un parti politique qui s’en accommodait. Il se remet en question ces deux derniers jours, mais uniquement parce qu’il sent la victoire lui échapper ! »
Exit LR, bonjour Bleu Marine
Mais pourquoi alors parrainer Marine Le Pen ? Pour Pierre Bacqué, il est « invraisemblable » que les élus locaux, qui « ont peur de se faire taper sur les doigts » notamment « à cause de la publicité des parrainages », ne puissent accorder leur soutien à la candidate FN « alors qu’elle représente 40 % des électeurs qui voteront pour elle au second tour ». L’occasion d’adresser un petit tacle à Jean-Jacques Barbaux : « Moi, le martinet pour le Gascon que je suis, ça n’a jamais eu d’effet, sinon de me radicaliser. Depuis hier, je sais que je n’ai plus aucune délégation au conseil départemental. C’est ce qu’on appelle la démocratie, certainement » Et de rappeler que Jean-François Oneto, quatrième vice-président
(LR) du Département « est mis en examen depuis deux mois pour corruption passive et
détournements de fonds à hauteur de 500 000 € mais conserve pourtant toutes ses délégations ».
Concernant son orientation politique avec un tel parrainage et la mise en scène de la venue de la présidente frontiste, Pierre Bacqué précise qu’il « n’adhère pas au Front national », mais qu’il « adhère évidemment au mouvement Bleu Marine », tout en annonçant qu’il siégera en tant que Divers droite dans ses mandats. « Je suis donc heureux, Madame Le Pen, compte tenu de ce que j’ai subi, de vous donner mon parrainage. »
Un « symbole » pour Le Pen
La candidate FN, elle, savoure : « C’est un grand honneur pour moi de recevoir ce parrainage. J’ai un profond respect pour les maires des petites communes, qui, comme l’ensemble des Français, sont les murs porteurs de la maison France. Si on laisse ces petites communes disparaître, être fusionnées, si on leur impose les grandes concentrations que projettent l’ensemble des autres candidats à la présidentielle, on tuera l’âme de notre pays et de notre ruralité. » Et de promettre que le Front
national « aura les 500 signatures nécessaires » pour la
présidentielle avant de dénoncer « la réalité des pressions et chantages aux subventions et délégations exercés sur les maires des petites communes » pour l’attribution des parrainages en citant « l’exemple » de Pierre Bacqué, « un symbole » selon elle. Dans l’assistance, on trouve Brigitte, une habitante du Vaudoué, venue féliciter son maire pour son acte qu’elle qualifie de « courageux ». « Cela m’a surpris, mais il l’a fait en son âme et conscience », soufflet-elle. Pas encartée FN, elle pensait voter Fillon avant ses ennuis judiciaires. Désormais « un peu
perdue », elle avoue que le rapprochement de Pierre Bacqué avec Marine Le Pen lui « fait poser des questions ».
Laurent, un autre habitant du Vaudoué, faisait lui partie des quelques personnes réfractaires à la venue de la présidente frontiste. « Je ne partageais pas de base les opinions de Monsieur Bacqué, mais je ne pensais pas qu’il allait tomber si bas,
avoue-t-il. Je connais d’ailleurs un électeur LR du village qui est allé lui passer un savon à cause de son parrainage. C’est une dérive inquiétante, qui va se terminer en eaux troubles. »