Le Pays Briard

Sidaction : paroles d’une séropositi­ve

Florence Thune vit à Savigny-le-Temple depuis une dizaine d’années. Elle est séropositi­ve depuis 21 ans. Aujourd’hui directrice des programmes France pour l’associatio­n Sidaction, elle témoigne pour lutter à son échelle contre le sida et le VIH.

- Pierre CHOISNET 0@choisnet_pierre

Florence Thune a accepté sa séropositi­vité. Un long parcours lui a été nécessaire pour se guérir psychologi­quement de cet état. Cette habitante de Savigny-le-Temple (près de Melun) a été infectée il y a 21 ans, alors

qu’elle était âgée de 29 ans. «À l’époque, je travaillai­s pour l’ONG Handicap Internatio­nal, et j’étais en Afrique, en Éthiopie, pour des raisons profession­nelles, se souvientel­le. J’ai eu des relations sexuelles non protégées avec mon compagnon. Je connaissai­s le sida, comme tout le monde, en pensant que ça n’arrivait qu’aux autres. »

« Une vraie douche froide »

Alors qu’elle rendait visite à ses parents dans sa région natale, dans l’agglomérat­ion de Rouen, elle décide de faire

un test. « Je suis allée dans un centre de dépistage gratuit. Je n’étais pas inquiète, mais je me suis dit que ça ne coûtait rien de vérifier ». Las, lorsque la jeune femme vient chercher ses résultats, le médecin présent

lui annonce directemen­t qu’il connaît son dossier et l’amène dans une salle voisine. « C’est à ce moment que j’ai compris, confie la Seine-et-Marnaise qui a aujourd’hui 50 ans. C’était une vraie douche froide ! Le médecin me rassurait, me disait que des traitement­s existaient, mais je n’imprimais rien. J’étais persuadée que j’allais mourir » Dépitée, Florence rentre alors

chez elle. « C’était impossible pour moi de le dire à mes parents et à ma soeur. Je me suis juste confiée à une amie. Ça a aussi été un choc pour mon compagnon qui ne savait pas qu’il était porteur de la maladie. »

« Une lueur d’espoir »

L’espoir a commencé à renaître pour Florence un mois après la terrible nouvelle lorsqu’elle a vu à la télévision le basketteur américain Magic Johnson (Earvin Johnson Jr) parler de sa séropositi­vité. « Il avait l’air en bonne santé, il disait que l’on pouvait vivre avec ça. Ça a été un déclic, une lueur d’espoir. J’ai aussi tout de suite compris de la nécessité de témoigner pour épargner cette épreuve aux autres », explique la Savignienn­e.

Malgré tout, elle mettra six mois avant de se confier à ses proches, gardant ce lourd secret enfoui au plus profond d’ellemême. « J’ai pu faire en six mois, ce que d’autres mettent des années, voir ne font jamais », souffle-t-elle. Son quotidien

Comment vivre avec la maladie ? La question se pose d’autant plus que les progrès de la médecine ont fait d’énormes bonds en avant (lire l’interview ci-contre). Son quotidien ressemble à celui d’une personne lambda. À une différence près : elle doit prendre deux pilules deux fois par jour, matin et soir. La difficulté réside dans l’observance stricte de ces règles, sans cela le traitement n’est pas efficace. C’est souvent compliqué lorsque l’on a une vie sociale. Mais Florence s’y est habitué. Autre problème : les effets secondaire­s. Pour elle, ce sont les insomnies. « C’est un moindre

mal, estime-t-elle. J’ai appris à vivre avec ça, et j’ai même pu partager ma vie avec quelqu’un. Beaucoup de personnes qui vivent avec le VIH n’ont pas cette chance et sont en vraie détresse sociale. »

« Rapports sexuels »

Ce dernier point est clé dans l’équilibre psychologi­que d’un séropositi­f. Florence s’est interdit toutes relations amoureuses ou sexuelles pendant près de dix ans, « de peur de contaminer quelqu’un ». Puis un jour, elle a rencontré son mari qui, heureuseme­nt, « n’est pas parti en courant ». Mais elle estimait alors qu’elle était trop âgée pour faire un enfant. La transmissi­on ne semble plus possible si l’on suit son traitement.

« On s’est aperçu que chez les patients qui suivent scrupuleus­ement leur traitement, la charge virale est si basse qu’elle ne se transmet pas lors de rapports sexuels non protégés. On commence à le savoir depuis dix ans, mais ça a vraiment été affirmé avec

conviction depuis 2015 », assure-t-elle en s’appuyant sur des études menées sur des couples sérodiffér­ents (l’un est contaminé, l’autre pas).

Mais les difficulté­s existent bel et bien. Au-delà des discrimina­tions et croyances infondées sur le VIH - elle a par exemple été refusée pour des soins dentaires et pour un examen gynécologi­que - Florence détaille d’autres handicaps liés à son état : « Je ne peux pas contracter un prêt bancaire, puisqu’aucune assurance n’accepte de me couvrir, où alors à des tarifs exorbitant­s. Je ne peux pas non plus avoir d’assurance vie. » Traitement à 900 € par mois

Pour autant, la Seine-etMarnaise ne se plaint pas de son sort, saluant l’existence de la Sécurité sociale : « Mon traitement est remboursé à 100 %. Heureuseme­nt pour mois car il coûte près de 900 € par mois ! »

Son inquiétude personnell­e ? L’impact des médicament­s sur

son organisme. « J’en prends tous les jours depuis 18 ans et j’ai du mal à croire que ça n’aura aucune conséquenc­e à long terme », s’inquiète-t-elle, l’esprit tourné vers son avenir.

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 ?? ©LPB / P.Choisnet ?? Florence Thune a été contaminée en 1996, alors qu’elle avait 29 ans
©LPB / P.Choisnet Florence Thune a été contaminée en 1996, alors qu’elle avait 29 ans

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