Le Pays Briard

Marcel était à Toulon lors du sabordage de la flotte

Après le souvenir émouvant du coup de foudre dans le métro de Paulette, voici la sombre évocation du sabordage de la flotte française en 1942. Marcel Yvinec, tout juste 16 ans alors, en est le témoin.

- Jean-Michel ROCHET 0@JMRochet

On peut être un tout jeune garçon et être le témoin de la grande histoire… C’est le cas de Marcel Yvinec, né le 19 novembre 1925 à Plouescat dans le Finistère, et aujourd’hui résident de l’EHPAD Rémy-Petit Lemercier de Montmirail. Il a accepté de nous conter son plus mauvais souvenir…

« Nous avons entendu de grands boum, boum ! »

« C’était en 1942, j’avais alors 16 ans depuis peu et je venais de m’engager comme mousse. J’étais à Toulon sur l’ancien cuirassé Jean-Bart qui avait fait les Dardanelle­s durant l’autre guerre et qui nous servait de navire école. Nous étions ancrés dans la rade, à Brégaillon, quand, tout à coup, alors qu’il ne faisait pas encore jour ce 27 novembre 1942, vers 5 h du matin, nous avons entendu de grands « Boum ! Boum ! » C’était les

Allemands qui avaient franchi la ligne de démarcatio­n et qui arrivaient à Toulon pour essayer de s’emparer de notre flotte. »

Plongé sans préambule en pleine guerre, le jeune mousse breton assiste, heureuseme­nt de loin, à toutes les opérations de

cette funeste journée. « L’un de nos navires a commencé à tirer sur les Allemands, mais l’Amirauté lui a immédiatem­ent donné l’ordre de cesser le feu. Et tous les bateaux ont été dynamités et tout a sauté. Les Allemands n’ont pas pu en récupérer un seul. Certains Allemands ont d’ailleurs sauté avec nos bateaux car ils ne se méfiaient pas assez. »

Et le vieux Jean-Bart et les jeunes mousses, que sont-ils devenus ? « Le Jean-Bart de 1911 n’intéressai­t plus personne*. Il n’a pas été dynamité et nous avons tous été débarqués. Nos chefs nous ont dit de rentrer chez nous… » Il part dans la Résistance

Les mousses sont donc autorisés à finir leur école chez eux. « J’ai terminé en 1943 », raconte encore Marcel Yvinec. Cette même année, le jeune garçon s’engage pour 5 ans dans la Marine, à l’école des ouvriers de la Marine. Breveté en 1944, il bénéficie d’une permission de 15 jours dont il profite pour rejoindre la Résistance, à côté de

Lyon. « J’ai participé à la libération de Lyon et, en suite, on m’a dit de rejoindre mon arme d’origine. Je suis donc retourné dans la Marine. »

Immédiatem­ent embarqué sur le Savorgnan-de-Brazza, un navire des Forces navales françaises libres (FNFL) qui revenait d’Indochine et qui devait être radoubé avant d’y repartir. « J’étais très impatient de partir, c’était pour cela que j’étais dans la Marine, mais, hélas, une fois le navire radoubé, on m’a dit que je ne partirais pas avec lui, mais que j’étais muté sur la base aéronavale, à terre. J’étais donc volontaire pour la Marine et pour l’Indochine, mais je ne suis jamais parti ! » s’indigne encore l’ancien marin.

Très déçu, Marcel Yvinec résilie son engagement et retourne en Bretagne, encore marqué par les propos de cet officier qui avait lancé devant les marins rassemblés « Les Français à droite, les Dissidents à gauche », semblant désapprouv­er ainsi les engagés des FNFL. Heureux comme un Breton à Montmirail

« J’ai ensuite travaillé dans des fermes, d’abord en Bretagne, puis, à partir de 1948,

en Seine-et-Marne, à SaintCyr-sur-Morin. » Ensuite, la retraite est venue puis, en 2010, l’installati­on à l’EHPAD de Montmirail où Marcel se plaît beaucoup : « Pour moi, ici, c’est l’Éden, je n’ai jamais été aussi heureux ! » * Le Jean-Bart de 1911 a néanmoins été saisi par les Allemands qui l’ont utilisé pour des exercices d’explosifs. Il a aussi été bombardé par les Alliés peu avant le débarqueme­nt de Provence et coulé. Après la guerre, il a été renfloué et démoli. N.D.L.R.

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Marcel a vécu des heures terribles à Toulon, mais aujourd’hui, il profite de sa retraite.

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