Le Pays Briard

Le combat d’un père face à l’ASE pour la garde de ses enfants

Un père de famille originaire de Voulangis accuse les services de l’ASE (aide sociale à l’enfance) de placement abusif. Il témoigne pour faire connaître son histoire et retrouver ses trois filles de 6 et 7 ans.

- David LEDUC 0@DavidAdao

« Je n’ai eu aucun contact avec mes filles depuis le mois de juin. Je n’ai aucune nouvelle de leur état de santé. Depuis cette date, je porte plainte régulièrem­ent à la police pour non-présentati­on

d’enfant ». Matthieu* est un habitant de Voulangis, près de Crécy-la-Chapelle, en Seineet-Marne. Depuis plusieurs années, il se bat pour pouvoir obtenir la garde de ses trois filles, Sarah*, Aline* et Margaux*, respective­ment âgées de 6 et 7 ans. Elles sont depuis maintenant un an placées dans un foyer pour enfants en Seineet-Marne par l’Aide sociale à l’Enfance. Matthieu dénonce un placement abusif de la part de l’ASE, un service qui dépend du Conseil Départemen­tal de Seine-et-Marne. Il tient à raconter son histoire : « Je ne sais plus quoi faire pour que les choses avancent… La situation stagne et je ne sais pas comment vont mes enfants ». Une séparation difficile Tout commence en 2014. Le Briard vit alors avec la mère de ses trois filles, par ailleurs mère de deux enfants d’une précédente union. Le père de ces deux enfants reproche à la compagne de Matthieu ses absences

répétées au foyer familial : « Le juge des enfants signale alors en février 2015 que si elle était toujours aussi absente à terme, il devrait placer sa fille cadette chez son père », explique Matthieu. Ce qui arrive en février 2015. C’est à ce moment que Matthieu décide de se séparer de sa compagne. Il reste au domicile familial avec ses trois filles. Il saisit alors le juge aux affaires familiales pour obtenir la garde de ses filles mais celui-ci décide en juin 2015 de fixer la résidence des trois fillettes chez leur père, et d’accorder un droit de visite classique à leur mère. Dans le même temps, un juge des enfants était également saisi.

Une mesure d’assistance éducative est mise en place avec une associatio­n columérien­ne. En juillet 2015, ces services sociaux ont établi une note à la juge des enfants indiquant que Matthieu ne se rendait pas aux rendezvous de l’associatio­n. Ce qu’il réfute : « J’ai apporté avec mon avocate les preuves, mails à l’appui, que je me rendais à chaque rendez-vous où j’étais convoqué », plaide-t-il. « Sans vérifier les dires de l’associatio­n, le juge a adressé une lettre à mon client pour le menacer de saisir le parquet de poursuites correction­nelles contre lui », ajoute l’avocate de Matthieu, Me Sanzalone.

Des soucis de santé pour une des fillettes

En 2016, le père de famille apprend qu’une de ses plus jeunes filles, Sarah, développe un diabète et est hospitalis­é à Jossigny. L’hôpital sollicite alors une OPP (ordonnance de placement provisoire) pour assurer la prise en charge de la jeune fille et la formation à la prise en charge du diabète des parents en conflit : « Il avait été entendu avec la mère et le service de qui viendrait rendre visite à quel moment, mais le chef de service n’avait visiblemen­t pas été informé des dispositio­ns prises ». Dans une lettre, le chef de service reconnaît cependant que la formation des parents et l’hospitalis­ation de la jeune fille

se sont faites « dans un climat serein sans conflit repéré par les soignants », ajoutant par

ailleurs que « compte tenu des bouleverse­ments que représente le diabète dans la vie de la jeune fille, nous pensons dans son intérêt qu’il n’y a pas lieu de changer le mode de garde afin de ne pas rajouter de perturbati­on supplément­aire dans la vie de cet enfant ».

« Dans les faits, l’hospitalis­ation de Sarah, sur le lieu demandé par son père, s’est bien déroulée », estime l’avocate. Mais une audience du 28 juin au Tribunal pour enfants de Meaux établit un jugement de placement des trois fillettes

à l’ASE. « Le portrait qui a été dressé de mon client n’était pas conforme à la réalité. Le jugement s’est appuyé sur des rapports que l’on a pas pris la peine de vérifier. On le fait passer pour violent, alcoolique, alors qu’il n’en est rien ».

« Le jugement fait état de plaintes et de main courante qui ont été faites à l’époque où je ne connaissai­s pas ma compagne, et qui concerne ses premiers enfants », ajoute Matthieu.

Pendant un an, ce dernier, comme la mère de ses trois filles, peut les voir une fois par semaine en visite médiatisée dans une associatio­n située à Roissy-en-Brie. « À partir de ce moment, je n’ai plus aucun suivi médical pour ma fille malade, et aucun suivi scolaire », témoigne Matthieu. Ce dernier déplore les conditions dans lesquelles il voit ses filles : « Elles sont systématiq­uement amenées en retard au lieu de visite. Je ne peux les voir que ¾ d’heures au lieu d’une heure ». Selon le père de famille, les trois filles auraient été placées dans trois écoles différente­s, et elles sont souvent en retard à l’école. « Depuis qu’elles sont placées, mes filles se sont rendues plusieurs fois aux urgences ». Son avocate ajoute : « Une des filles de mon client

« Plus aucun suivi, ni médical ni scolaire » « Un acharnemen­t »

a été agressée sexuelleme­nt par un enfant du village, mais on l’a contrainte par la suite à continuer à regarder la télé à côté du garçonnet ».

Le placement des enfants avait été en 2016 établi pour une année. Dans un jugement qui a eu lieu le 28 juin dernier, le tribunal pour enfants de Meaux a confirmé le placement des trois fillettes jusqu’en février 2018. « On me reproche de ne pas avoir mis de côté le conflit avec leur mère, mais je n’ai plus aucun contact avec elle. Les filles ont clairement fait état de leur volonté de revenir lors des visites médiatisée­s et des audiences… ».

Depuis cette décision, le père de famille de Voulangis n’a pas pu voir ses enfants, et a déposé 4 fois plainte pour dénoncer « une situation abusive ».

« Si on en est là, c’est que mon client a démontré que les services sociaux ne faisaient pas leur travail, et la machine s’est mise en route contre lui, déplore son conseil. C’est un acharnemen­t ». Et de

conclure : « En 2009, un rapport de la Cour des Comptes constatait déjà qu’il y avait un problème avec les structures d’accueil ». Dans ce rapport, la Cour évoquait alors un risque de « maltraitan­ce institutio­nnelle

contre les enfants », dénonçait des « délais très

excessifs » pour les décisions de placement, une « évaluation des besoins sommaires » et

des « contrôles qui n’intervienn­ent que lorsqu’un scandale ou une carence grave y oblige ».

Contactés par notre rédaction, les services de l’ASE et du Départemen­t invoquent la confidenti­alité du dossier et ne souhaitent en conséquenc­e pas faire de commentair­es. *Les prénoms ont été modifiés.

 ?? (©pololia-stock.adobe.com - photo d’illustrati­on) ?? Matthieu, un habitant de la commune de Voulangis, près de Crécy-la-Chapelle, se bat depuis plus d’un an pour récupérer la garde de ses trois filles.
(©pololia-stock.adobe.com - photo d’illustrati­on) Matthieu, un habitant de la commune de Voulangis, près de Crécy-la-Chapelle, se bat depuis plus d’un an pour récupérer la garde de ses trois filles.

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