Le combat d’un père face à l’ASE pour la garde de ses enfants
Un père de famille originaire de Voulangis accuse les services de l’ASE (aide sociale à l’enfance) de placement abusif. Il témoigne pour faire connaître son histoire et retrouver ses trois filles de 6 et 7 ans.
« Je n’ai eu aucun contact avec mes filles depuis le mois de juin. Je n’ai aucune nouvelle de leur état de santé. Depuis cette date, je porte plainte régulièrement à la police pour non-présentation
d’enfant ». Matthieu* est un habitant de Voulangis, près de Crécy-la-Chapelle, en Seineet-Marne. Depuis plusieurs années, il se bat pour pouvoir obtenir la garde de ses trois filles, Sarah*, Aline* et Margaux*, respectivement âgées de 6 et 7 ans. Elles sont depuis maintenant un an placées dans un foyer pour enfants en Seineet-Marne par l’Aide sociale à l’Enfance. Matthieu dénonce un placement abusif de la part de l’ASE, un service qui dépend du Conseil Départemental de Seine-et-Marne. Il tient à raconter son histoire : « Je ne sais plus quoi faire pour que les choses avancent… La situation stagne et je ne sais pas comment vont mes enfants ». Une séparation difficile Tout commence en 2014. Le Briard vit alors avec la mère de ses trois filles, par ailleurs mère de deux enfants d’une précédente union. Le père de ces deux enfants reproche à la compagne de Matthieu ses absences
répétées au foyer familial : « Le juge des enfants signale alors en février 2015 que si elle était toujours aussi absente à terme, il devrait placer sa fille cadette chez son père », explique Matthieu. Ce qui arrive en février 2015. C’est à ce moment que Matthieu décide de se séparer de sa compagne. Il reste au domicile familial avec ses trois filles. Il saisit alors le juge aux affaires familiales pour obtenir la garde de ses filles mais celui-ci décide en juin 2015 de fixer la résidence des trois fillettes chez leur père, et d’accorder un droit de visite classique à leur mère. Dans le même temps, un juge des enfants était également saisi.
Une mesure d’assistance éducative est mise en place avec une association columérienne. En juillet 2015, ces services sociaux ont établi une note à la juge des enfants indiquant que Matthieu ne se rendait pas aux rendezvous de l’association. Ce qu’il réfute : « J’ai apporté avec mon avocate les preuves, mails à l’appui, que je me rendais à chaque rendez-vous où j’étais convoqué », plaide-t-il. « Sans vérifier les dires de l’association, le juge a adressé une lettre à mon client pour le menacer de saisir le parquet de poursuites correctionnelles contre lui », ajoute l’avocate de Matthieu, Me Sanzalone.
Des soucis de santé pour une des fillettes
En 2016, le père de famille apprend qu’une de ses plus jeunes filles, Sarah, développe un diabète et est hospitalisé à Jossigny. L’hôpital sollicite alors une OPP (ordonnance de placement provisoire) pour assurer la prise en charge de la jeune fille et la formation à la prise en charge du diabète des parents en conflit : « Il avait été entendu avec la mère et le service de qui viendrait rendre visite à quel moment, mais le chef de service n’avait visiblement pas été informé des dispositions prises ». Dans une lettre, le chef de service reconnaît cependant que la formation des parents et l’hospitalisation de la jeune fille
se sont faites « dans un climat serein sans conflit repéré par les soignants », ajoutant par
ailleurs que « compte tenu des bouleversements que représente le diabète dans la vie de la jeune fille, nous pensons dans son intérêt qu’il n’y a pas lieu de changer le mode de garde afin de ne pas rajouter de perturbation supplémentaire dans la vie de cet enfant ».
« Dans les faits, l’hospitalisation de Sarah, sur le lieu demandé par son père, s’est bien déroulée », estime l’avocate. Mais une audience du 28 juin au Tribunal pour enfants de Meaux établit un jugement de placement des trois fillettes
à l’ASE. « Le portrait qui a été dressé de mon client n’était pas conforme à la réalité. Le jugement s’est appuyé sur des rapports que l’on a pas pris la peine de vérifier. On le fait passer pour violent, alcoolique, alors qu’il n’en est rien ».
« Le jugement fait état de plaintes et de main courante qui ont été faites à l’époque où je ne connaissais pas ma compagne, et qui concerne ses premiers enfants », ajoute Matthieu.
Pendant un an, ce dernier, comme la mère de ses trois filles, peut les voir une fois par semaine en visite médiatisée dans une association située à Roissy-en-Brie. « À partir de ce moment, je n’ai plus aucun suivi médical pour ma fille malade, et aucun suivi scolaire », témoigne Matthieu. Ce dernier déplore les conditions dans lesquelles il voit ses filles : « Elles sont systématiquement amenées en retard au lieu de visite. Je ne peux les voir que ¾ d’heures au lieu d’une heure ». Selon le père de famille, les trois filles auraient été placées dans trois écoles différentes, et elles sont souvent en retard à l’école. « Depuis qu’elles sont placées, mes filles se sont rendues plusieurs fois aux urgences ». Son avocate ajoute : « Une des filles de mon client
« Plus aucun suivi, ni médical ni scolaire » « Un acharnement »
a été agressée sexuellement par un enfant du village, mais on l’a contrainte par la suite à continuer à regarder la télé à côté du garçonnet ».
Le placement des enfants avait été en 2016 établi pour une année. Dans un jugement qui a eu lieu le 28 juin dernier, le tribunal pour enfants de Meaux a confirmé le placement des trois fillettes jusqu’en février 2018. « On me reproche de ne pas avoir mis de côté le conflit avec leur mère, mais je n’ai plus aucun contact avec elle. Les filles ont clairement fait état de leur volonté de revenir lors des visites médiatisées et des audiences… ».
Depuis cette décision, le père de famille de Voulangis n’a pas pu voir ses enfants, et a déposé 4 fois plainte pour dénoncer « une situation abusive ».
« Si on en est là, c’est que mon client a démontré que les services sociaux ne faisaient pas leur travail, et la machine s’est mise en route contre lui, déplore son conseil. C’est un acharnement ». Et de
conclure : « En 2009, un rapport de la Cour des Comptes constatait déjà qu’il y avait un problème avec les structures d’accueil ». Dans ce rapport, la Cour évoquait alors un risque de « maltraitance institutionnelle
contre les enfants », dénonçait des « délais très
excessifs » pour les décisions de placement, une « évaluation des besoins sommaires » et
des « contrôles qui n’interviennent que lorsqu’un scandale ou une carence grave y oblige ».
Contactés par notre rédaction, les services de l’ASE et du Département invoquent la confidentialité du dossier et ne souhaitent en conséquence pas faire de commentaires. *Les prénoms ont été modifiés.