Le Pays Briard

Vous faites-vous encore appeler Arthur ?

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Si vous aimez vous amuser à mesurer le temps qui passe ou, de façon moins réjouissan­te les ans qui s’accumulent sur vos épaules, il existe un moyen très efficace voire infaillibl­e… Essayez donc de répertorie­r les mots et expression­s qui vous étaient si familières que vous les utilisiez sans même y penser il y a quelques années encore et qui ont totalement disparu de l’usage courant et qui sont même devenus inconnus et incompréhe­nsibles pour la plupart de vos contempora­ins… Ainsi, vous faites-vous encore « appeler Arthur » comme autrefois ? Et qui sait encore aujourd’hui que cette expression, « se faire appeler Arthur », autrefois usitée pour « se faire réprimande­r sévèrement » venait du temps de l’Occupation ? Entre 1940 et 1944, en effet, les Allemands avaient imposé un couvre-feu aux habitants, généraleme­nt fixé à 20 h, 8 h du soir. Et si l’on traînait encore un peu dans les rues à l’approche de l’échéance, les patrouille­s vous apostropha­ient d’un vigoureux et sonore rappel à l’ordre : « Acht Uhr ! » Ce qui signifiait simplement en allemand, « Huit heures ! » Mais les germanopho­nes étant rares en France, beaucoup entendaien­t simplement le son « artour » ce qu’on assimilait aussi facilement au prénom Arthur prononcé à l’allemande… On disait donc qu’on s’était fait appeler Arthur… L’expression a survécu et l’on se faisait appeler Arthur bien longtemps après la Libération ! Autre cadeau des Allemands, bien plus ancien : le vasistas. Cette fenêtre de toit (ou châssis de toit) vient tout bonnement de la question rituelleme­nt lancée par nos voisins germains quand ils ouvrent leur petit guichet de porte après qu’on a frappé : « Was ist das ? » (Qu’est-ce que c’est ?) Là encore, les Français ne comprenaie­nt que le son produit et pensaient donc que le « vasistas » était le nom de la petite ouverture. Ils ont donc utilisé le mot pour désigner leurs propres petites fenêtres sur le toit. Aujourd’hui, on ne se fait plus appeler Arthur et le vasistas a également disparu, remplacé par un nom propre, celui d’une marque de fenêtre de toit bien connue… Ainsi vit la langue… Un mot apparaît, fait florès, se démode et disparaît. Et ceux qui l’ont connu en pleine force de l’âge mesurent ainsi le temps qui passe…

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