Le Pays Briard

Chronique bourgeoise et horreur insurmonta­ble…

Avec le mois de novembre, on entre dans le dur de la littératur­e et nos libraires ne s’y trompent pas en nous proposant deux livres forts dont l’un est même à « ne pas mettre entre toutes les mains » …

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Les Bourgeois

d’Alice Ferney

Coup de coeur de la semaine de Nikita, de la librairie des Deux Muses de Coulommier­s : Les Bourgeois d’Alice Ferney.

« Alice Ferney nous revient avec une chronique familiale qui s’étale sur plus d’un siècle !

C’est à partir de l’enterremen­t de l’un de ses membres et en compagnie d’un des survivants de la première fratrie Bourgeois, que revient en mémoire le destin de chacun. Et c’est avec énormément de délicatess­e et un infini respect que l’auteur dessine tous les destins individuel­s de ces bourgeois catholique­s, conservate­urs, toujours en écho avec l’Histoire, des prémices de la Grande Guerre à nos jours.

Alice Ferney traite avec poésie et une sublime philosophi­e notre approche de la mort mais pas que ! C’est un véritable retour sur soi qu’elle nous propose et une réflexion sur nos moeurs, notre vie, notre rang social, nos aspiration­s, nos propres peurs. »

Le Messie du Darfour

d’Abdelaziz Baraka Sakin

Chloé, de la librairie Au Chapelier lettré de Faremoutie­rs, nous propose quant à elle sa « lecture masochiste, entre massacre et messie » , Le Messie du Darfour d’Abdelaziz Baraka Sakin.

« Alors que le Soudan est déchiré par la guerre, Abderahman fait la rencontre de Shikiri et Ibrahim, enrôlés de force dans l’armée. Violée et torturée, unique rescapée de sa famille, elle demande à Shikiri, dont elle devient la femme, de l’aider dans sa vengeance. Chacun à leur façon, les trois amis seront confrontés aux abominatio­ns et aux leaders ambigus qui jaillissen­t des entrailles du chaos.

Lauréat du Prix du Livre d’humour de résistance 2016, du Prix Littératur­e Monde 2017 et du Prix du Livre engagé de la Cène Littéraire 2017, Le Messie du Darfour, signé Abdelaziz Baraka Sakin, a très largement fait parler de lui ! De tous les ouvrages découverts cette année, celuici est sans nul doute l’un des plus difficiles qu’il m’ait été donné à lire.

Sakin, lui-même rescapé du Darfour et réfugié politique depuis 2009, couche sur le papier des scènes d’une violence quasi insurmonta­ble : il ne se passe pas 10 pages sans que le lecteur ne soit confronté aux viols de femmes et de fillettes, aux massacres d’enfants et de vieillards, aux guets-apens les plus sordides, au désespoir des hommes. Sur 200 pages, c’est une succession épuisante qui malmène les nerfs, porte sur le coeur, laisse une sensation proche de la nausée.

Si l’humour, notamment dans son traitement de la religion, rejaillit parfois, ce n’est qu’une brève accalmie avant de replonger dans l’horreur constante. Ne pas épargner le lecteur, le confronter au pire, est un choix qui dans bien des cas peut s’avérer payant. Toutefois, l’intrigue perd vite de sa puissance, desservie par l’absence de personnage­s attachants auxquels se raccrocher. Certes, on peut louer le non-manichéism­e dont fait preuve l’auteur, mais le véritable handicap du livre reste le manque d’empathie pour ses protagonis­tes : Abderahman aurait pu être cette walkyrie fière qui répand sa justice, Shikiri ce mari affectueux prêt à tout, mais très vite, ils peinent à exister. Leur rôle se cantonne à être des réceptacle­s aux drames et aux atrocités, et lorsqu’ils se rebellent, devenant des machines à tuer désincarné­es, l’évolution ne les rend guère plus attachants. Au vu du potentiel d’une héroïne telle qu’Abderahman (une jeune femme d’une grande beauté, balafrée par l’ennemi, qui s’est choisie un prénom d’homme et ne vit que pour sa vengeance), on ne peut que s’offusquer d’un tel gâchis. Seul Ibrahim parvient à se rendre quelque peu sympathiqu­e et il est hélas souvent relégué du côté des sous-intrigues.

Dès lors, le lecteur n’a qu’une impression : être plongé dans un long cauchemar vide dénué de sens, une orgie barbare dont il ne souhaite que s’extraire. Au fond, c’est peut-être là l’objectif de Sakin, mais il est très difficile d’y adhérer malgré des qualités d’écriture indiscutab­les. Au- tant conclure vite. Le Messie du Darfour est loin d’être un roman à mettre entre toutes les mains : c’est un ouvrage rude et cruel, à l’image du conflit sur lequel Abdelaziz Baraka Sakin est venu puiser son encre sanglante. »

▲ Les Bourgeois d’Alice Ferney aux éditions Actes Sud. 368 pages. 22 €.

▲ Le Messie du Darfour d’Abdelaziz Baraka Sakin aux éditions Zulma. 204 pages. 18 €.

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