Scandale Lactalis : les défaillances s’enchaînent
Manque de transparence, alerte sanitaire à retardement, dysfonctionnement du retrait des laits infantiles potentiellement contaminés dans les rayons des grandes surfaces. Les défaillances s’enchaînent dans l’affaire Lactalis.
« Comme si cela ne suffisait pas, on découvre que la totalité des lots incriminés n’a pas été retirée ! » Pour la Confédération paysanne, « les acteurs de l’industrie agro-alimentaire et de la distribution sont incapables d’assurer une alimentation sûre, tracée et de qualité. » La faute à une « chaîne alimentaire sur-industrialisée. »
Le scandale Lactalis déborde comme le lait sur le feu. Rappel des épisodes précédents : la première alerte sanitaire sur les laits infantiles est lancée début décembre car une vingtaine de bébés de moins de six mois sont contaminés par la salmonelle, une bactérie provoquant des gastro-entérites qui peuvent s’avérer très graves. La direction générale de la santé (DGS) ordonne le rappel de 12 lots de lait premier âge provenant de l’usine Lactalis de Craon, en Mayenne. Des investigations menées sur place permettent d’identifier l’origine de la contamination dans une des tours de séchage du site de production. Lactalis procède alors à l’arrêt technique de ses installations « afin d’y engager des mesures de nettoyage et de désinfection additionnelles et renfor
cées » et exprime « ses profonds regrets aux parents dont les jeunes enfants
auraient pu tomber malades » suite à la consommation de ses produits.
Dans les jours suivants, de nouveaux cas de salmonellose chez des nourrissons sont déclarés mais il s’avère que l’un d’eux est lié à la consommation d’un lait infantile qui ne faisait pas partie de ceux retirés de la vente. Le 10 décembre, le ministère de l’Economie, « faute d’une démarche
volontaire de l’entreprise » , ordonne de suspendre la commercialisation et l’exportation de 600 références de laits infantiles produites dans la même usine Lactalis. 10 millions de boîtes et 30 pays sont concernés.
Onze jours plus tard, le groupe rappelle, « en application du principe de précaution » la totalité de ses produits infantiles et nutritionnels fabriqués ou conditionnés 2017. Il affirme à Craon mesurer depuis le 15 février « l’ampleur de
la situation » et comprendre « l’inquiétude et les perturbations importantes
qu’elle génère » . Le ministère de la Santé
demande « aux parents qui disposeraient encore de boîtes concernées par cette mesure de retrait-rappel de ne pas les utiliser, qu’elles soient neuves ou déjà entamées. » « Pas étonnant » Le problème, c’est que des produits potentiellement contaminés sont toujours vendus en janvier alors qu’ils font l’objet d’une procédure de rappel depuis au moins trois semaines ! « Le scandale
Lactalis s’étend à la distribution » , titre Ouest-France. De fait, les grandes enseignes admettent les unes après les autres, des dysfonctionnements dans le système de retrait. « C’est stupéfiant mais
pas étonnant » , estime le président de l’UFC-Que Choisir, Alain Bazot, sur France Info. « Chaque entreprise a la responsabilité de mettre en oeuvre la décision prise. Il n’y a rien qui va inciter, à part quand on est pris. Il y a très peu de contrôles de la part de l’État. On connaît les moyens indigents de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consom-
mation et de la Répression des Fraudes) qui fait ce qu’elle peut. Si les magasins ne respectent pas le retrait, ils encourent une amende de cinquième classe : c’est ridicule ! » « Ça ne peut pas et ça ne doit pas se
reproduire » , assène le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire qui tance le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, de « faire preuve de davantage
de transparence » et qui élargit le retrait à tous les produits fabriqués dans l’usine de Craon, « quelle que soit leur date de
fabrication » . Une décision radicale pour éviter tout risque d’erreurs s’accompagnant d’un « contrôle électronique systématique en caisse dans tous les points de
la grande distribution française » . Alors qu’une enquête judiciaire est ouverte à l’encontre de Lactalis pour blessures involontaires, mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée par le danger de la santé humaine et inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel, le président de l’association des victimes du lait contaminé annonce que des plaintes vont être déposées contre les magasins ayant vendu des produits qui auraient dû être retirés. Pour Quentin Guillemain, « il semble que ce soit le seul moyen de savoir ce qu’il se passe dans toute cette histoire, de bout en bout ! »