Notre-Dame-des-Landes : l’aéroport enterré
C’est l’épilogue de 50 ans de lutte et d’hésitations. En abandonnant le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement invoque une décision de raison et d’apaisement. Reste à gérer l’avenir.
« Qu’elle a été longue et dure cette bataille ! Combien de souffrances, d’angoisses, de blessures, de manifestations, de réunions, de moments d’abattement… Mais aussi combien de moments lumineux, d’instants magiques, de forces retrouvées, de victoires inattendues, de rencontres et d’alliances miraculeuses… Et, au bout du chemin, cette victoire du bon sens et d’une lutte tenace. »
Pour Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre et auteur d’un ouvrage sur Notre-Dame-des-Landes, ce dénouement rend l’optimisme aux défenseurs de l’environnement. Il reconnaît « à MM Macron, Philippe et Hulot d’avoir agi intelligemment : en reprenant le dossier avec une médiation ouverte sur toutes les idées, en prenant le temps du dialogue avec presque toutes les parties prenantes, en annonçant une décision sans ambiguïté. »
De fait, le Premier ministre assume, non sans rappeler les atermoiements précédents. « Il y a 50 ans, les pouvoirs publics ont identifié le site de Notre-Dame-desLandes pour accueillir un nouvel aéroport pour le Grand Ouest. Durant 50 ans à coup de décision, de reculade, de déni, de non-décision, l’Etat s’est placé face à un dilemme impossible. L’indécision des gouvernements successifs a laissé les partisans du projet et ses opposants s’affronter, se dresser les uns contre les autres. On a parfois instrumentalisé ces oppositions à des fins politiciennes. »
« Il est temps désormais que l’Etat soit clair dans ses choix et ferme dans leur mise en oeuvre. Le projet de Notre-Damedes-Landes sera donc abandonné. Cette décision est sans ambigüité. Les terres retrouveront leur vocation agricole. Contrairement à ce que propose le rapport, elles ne seront pas conservées pour réaliser ultérieurement le projet »,
annonce Edouard Philippe.
« Victoire historique »
Sur la ZAD (zone d’aménagement différé devenue zone à défendre), les opposants au projet laissent éclater leur joie. « La déclaration d’utilité publique (DUP) ne sera officiellement pas prorogée. Le projet sera donc définitivement nul et non avenu le 8 février. Il s’agit bien d’une victoire historique face à un projet d’aménagement destructeur. Celle-ci aura été possible grâce à un long mouvement aussi déterminé que divers », déclare le mouvement anti-aéroport dans un communiqué commun à toutes ses composantes, associations et habitants.
Le président de France nature environnement (FNE) salue « une décision courageuse montrant que, loin de s’entêter dans un projet du passé, le gouvernement change de logiciel, intègre les enjeux d’aujourd’hui et, via une méthode innovante, sort par le haut de ce dossier complètement enlisé » . Le député LREM, Matthieu Orphelin (proche de Nicolas Hulot) tient à préciser que « ce n’est pas la victoire des uns contre les autres » . Une volonté d’apaisement qui tranche avec la réaction du sénateur LR Bruno Retailleau, ex-président du conseil régional des Pays de la Loire : « Emmanuel Macron vient de capituler en rase campagne. Les Zadistes ont gagné, l’Etat vient de donner raison aux voyous et de désavouer le vote des citoyens. C’est un scandale démocratique qui nous emplit de colère et d’amertume ! » L’ex-premier ministre socialiste, Jean-Marc Ayrault crie aussi au « déni de démocratie » , faisant référence à la consultation de juin 2016 en Loire-Atlantique où 55 % des votants s’étaient déclarés pour l’aéroport. Sur la même ligne, la maire de Nantes, Johanna Rolland y voit « une trahison » et « un mauvais coup porté au grand ouest. » L’évacuation de la ZAD est reportée à la fin de la trêve hivernale, fin mars. La route qui traverse le site de Notre-DameDes-Landes doit être rendue à la circulation au plus vite. « A défaut, les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires » , avertit Edouard Philippe. Ouest-France assure que « les opposants ont déjà proposé de rouvrir cette route fermée depuis 2013. Comme un geste de bonne volonté. » Ces derniers confirment et pensent déjà à la suite : « Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole ».
Alors Notre-Dame-Des-Landes crééra-t-il un précédent et poussera-t-il à la création de ZAD ailleurs ? « Ce qui crée un précédent, c’est que plus jamais en France, un projet d’aménagement ne sera mené sans que les alternatives aient été étudiées » , répond Mathieu Orphelin. « En ce sens, il y aura un avant et un après Notre-DameDes-Landes. »