Vers une suppression des vannages
La réglementation permet aux collectivités à compétence rivière, en l’occurrence à un syndicat intercommunal, de supprimer les vannages. Une option privilégiée mais loin d’être partagée par tous.
La récente crue du Grand Morin a mis en évidence l’utilité des vannages dans la régulation des eaux. Si les pluies diluviennes ont rendu difficile le maintien de la rivière dans son lit, l’ouverture des vannes a permis aux eaux de s’écouler et de limiter les dégâts. Cependant, à moyen terme, la question de l’ouverture ou non des vannages pourrait ne plus se poser. La loi Grenelle II, qui vise à prendre des mesures durables en faveur de l’environnement et de l’écologie, oblige les acteurs locaux à mettre en conformité leurs ouvrages.
La suppression des vannages privilégiée…
Pour le Syndicat intercommunal de la vallée du haut Morin (SIVHM), il s’agit des dix-neuf vannages - publics ou privés - installés le long du Grand Morin de Lachy (Marne) à Chauffry. « Nous pouvons modifier les ouvrages de façon à aménager une passe à poissons, mais nous avons aussi la possibilité de les supprimer » , indique Roger Revoile, élu à La Ferté-Gaucher et président du syndicat, qui a choisi cette deuxième option. Avec cette loi, les pouvoirs publics entendent assurer une continuité écologique des cours d’eau, c’est-à-dire une libre cir- culation des organismes vivants favorisant leur reproduction, leur croissance, leur alimentation et leurs abris, et le bon déroulement du transport naturel des sédiments. L’objectif n’est pas tant de supprimer tous les obstacles artificiels que de freiner l’érosion de la biodiversité et de rendre aux espèces leurs capacités d’adaptation au changement climatique.
Le syndicat a d’ores et déjà monté un dossier pour chaque vannage. C’est qu’il ne fallait pas tarder pour bénéficier des dernières subventions de l’État. Roger Revoile : « Si nous répondons vite, nous sommes subventionnés à hauteur de cent pour cent, mais les subventions baisseront si nous attendons… » Il faut dire que le coût du chantier est pharamineux : près de 300 000 euros pour chaque vanage !
… mais pas systématique !
À ce jour, deux vannages ont été supprimés derrière l’entreprise Villeroy & Boch à La FertéGaucher et au Moulin du Pont à Saint-Rémy-la-Vanne. Un autre, celui près de l’ancienne trésorerie, a été restauré. Car si le syndicat a la possibilité d’effacer les vannages du paysage, cette mesure n’est pas automatique. Des études sont réalisées pour chaque ouvrage afin de mesurer l’impact de son effacement sur les hauteurs d’eau, les berges, la faune sauvage, etc.
« C’est une aberration de laisser l’eau couler »
Mais les vannages sont des éléments importants du patrimoine communal. « Nous faisons confiance aux études faites par des ingénieurs diplômés, déclare Yves Jaunaux, maire de La Ferté-Gaucher. Il n’empêche que certains sont attachés aux vannages. » Luc Neirynck, lui, ne veut pas entendre parler de leur suppression. Et le maire de Jouysur-Morin n’invoque pas qu’un souci patrimonial : « C’est une aberration de laisser l’eau couler. Si tous les vannages fonctionnaient correctement nous pourrions retenir plusieurs millions de mètres cube d’eau. »
L’avis des pêcheurs
C’est dans ces eaux, parfois profondes, que les associations de pêche de La Ferté-Gaucher et Jouy-sur-Morin viennent dégourdir leurs cannes à pêche. Les deux AAPPMA entendent l’argument écologique, mais elles auraient aimé être davantage écoutées. « Quand les vannages sont ouverts modérément il n’y a pas de souci, mais quand ils restent ouverts en été nous trouvons des endroits où il n’y a presque plus d’eau. Là, cela crée des problèmes pour les poissons » , affirme Gérard Laviron, trésorier de La Truite du haut Morin. Mais il se veut prudent : « La suppression des vannages ne nous gênera pas trop dès l’instant qu’il y a de l’eau. » En revanche, Roger Hennequin, ancien président du Flotteur Jouyssien, qui pêche en deuxième catégorie, est plus nuancé : « Nous avons besoin d’une continuité écologique, oui, mais aussi halieutique. L’eau est indispensable pour nous. Si le niveau baisse, les poissons auront moins de caches, ce qui les déstabilisera. »
La prochaine tranche de travaux devrait intervenir d’ici 2019.