Le Pays d'Auge (Édition Littoral)
Dans les coulisses du vertigineux chantier de restauration de l’église Notre-Dame-des-Victoires
Le chantier de l’église Notre-Dame-des-Victoires a débuté il y a quelques mois à Trouville-sur-Mer. Alors que la première phase des travaux de restauration est déjà bien engagée, une visite a été organisée, au coeur de ce chantier vertigineux.
Depuis plusieurs semaines, un voile blanc entoure la flèche du clocher de l’église Notre-Damedes-Victoires. Derrière les échafaudages déployés autour de l’édifice construit au XIXe siècle, des travaux de haute voltige sont menés par des artisans à pied d’oeuvre pour lui rendre tout son éclat. «Dans nos métiers, il faut être prêt à travailler sur des échafaudages à 30, 40 ou 50 mètres de haut », reconnait Tristan Gaillard, chef de chantier de l’entreprise Lefèvre spécialisée dans la restauration du patrimoine. Ces travaux représentant environ 5 millions d’euros devraient s’étaler sur 35 mois, soit environ trois ans.
Vérifier l’état de chaque pierre
Surplombant la Reine des plages, l’église présentait un état de dégradation avancé. Un constat préoccupant qui a poussé l’équipe municipale à se mettre au chevet de son patrimoine et à lancer des travaux de restauration. Après plusieurs années d’études et de préparation du projet, les travaux ont démarré cet automne.
Les premières semaines ont été consacrées au montage de l’échafaudage, jusqu’à 56 mètres de hauteur, avant le lancement des premiers travaux, en mars. Plus particulièrement sa première phase consacrée à la restauration des couvertures et maçonneries de la flèche. « L’appareilleur a commencé par faire un état sanitaire global des pierres qui sont étudiées une par une», explique Hugues Morisse, architecte du patrimoine de Lympia Architecture. Tout un travail nécessaire, permettant de se rendre compte de l’usure causée par le temps et l’humidité. L’objectif : déterminer quelle pierre sera remplacée ou conservée. «Environ 15 % des pierres de l’édifice devraient être changés », chiffre Tristan Gaillard, avant d’évoquer la suite des opérations : « On va bientôt attaquer la taille des pierres en atelier. Ensuite, nos équipes reviendront d’ici fin mai pour attaquer la pose sur le chantier. Une fois cette étape passée, on pourra s’attaquer aux finitions, au rejointoiement et à tout ce qui touche au raccord ».
En parallèle à ce travail minutieux sur les pierres, d’autres corps de métier, comme les couvreurs et charpentiers, ont commencé à intervenir, comme en témoignent les anciennes pièces de bois de la charpente stockées au sein de l’échafaudage, attendant d’être remplacées. Cette charpente sera également restaurée, ainsi que la croix et le coq, partis dans des ateliers Gallis à Rouen. « Tout ce travail est assez impressionnant : il y a aussi l’intégralité des ardoises qui ont été retirées et qui seront remplacées par de l’ardoise de meilleure qualité et plus épaisse », commente Hugues Morisse.
Rendre à l’église sa silhouette d’origine
En escaladant une série d’escaliers métalliques, étage après étage, l’importance de ces travaux de restauration saute parfois aux yeux. « En prenant de la hauteur, on ne peut que se rendre compte du mauvais état des couvertures et des maçonneries », souligne l’architecte du patrimoine, pointant le toit de l’église.
À plus de 40 mètres de hauteur, les ouvriers se relaient sur ce chantier vertigineux. « En ce moment, ce sont surtout trois entreprises, qui sont toutes normandes : Les Métiers du Bois, Lefèvre et Gallis, précise Hugues Morisse. L’édifice n’est pas protégé, mais la Ville a fait le choix de prendre des entreprises avec des exigences, comme si l’édifice était protégé ».
Empruntant parfois les mêmes gestes que ceux des bâtisseurs d’il y a plusieurs siècles, ces artisans sont au chevet de l’église, actuellement au niveau du fût, pour lui redonner toute sa splendeur d’antan. « Ce sont des métiers qui demandent une minutie et un savoir-faire qui se transmet de génération en génération », précise Tristan Gaillard. En s’attaquant au clos et couvert, aux façades ou encore la restauration des vitraux et de la couverture, l’objectif de cette restauration est aussi de lui redonner tout son éclat et lui permettre de retrouver « une silhouette beaucoup plus élancée ». Dans cette logique, par exemple, la demi-rose qui avait été endommagée par une tempête en 1987 et démolie fera son retour sur la façade principale de l’église. Elle sera réalisée comme à l’origine. De même, des ornements qui avaient été recouverts de ciment seront restitués en pierre de taille, comme ils l’étaient à l’origine. « Dans les années 1980, il y a eu des travaux qui ont été menés pour restaurer la flèche, rappelle Hugues Morisse, pour expliquer la démarche. À ce moment-là, un couronnement en ciment avait été réalisé. On voit que c’est quelque chose qui aujourd’hui ne fonctionne pas car on a une partie en pierre, une autre en ciment, et ça s’est scindé. L’objectif c’est, par rapport à des photographies anciennes qui ont été retrouvées, d’avoir le dessin le plus fidèle et le plus proche du couronnement d’origine. Tout ce travail va permettre de redonner une ligne et son apparence à l’église qu’on voit depuis Deauville ».
La première phase de ce grand chantier devrait s’achever fin septembre, autour du week-end consacré aux traditionnelles journées européennes du patrimoine. L’occasion pour l’équipe qui travaille sur cette restauration d’organiser un événement pour marquer la fin de cette première phase. D’autant que ces travaux ont bénéficié du soutien du Loto du Patrimoine. « C’est une date importante car c’est à travers la France et l’Europe qu’on célèbre le patrimoine et la restauration, conclut Hugues Morisse. On va marquer le coup avec cet édifice, en découvrant notamment la flèche de l’église à ce moment-là ».