Au château, ces découvertes changent l’Histoire
Des vestiges surprenants ont été découverts lors des fouilles préventives, menées depuis avril dans le château de Caen, en chantier pendant encore plus d’un an. Pour les archéologues, ils renouvellent le regard sur le passé du monument.
Avant de le transformer en parc urbain, les grands travaux en cours dans l’enceinte du château de Caen ont un autre avantage.
Le vieux palais à découvert
Comme des tranchées sont percées en profondeur, en plusieurs endroits, pour atteindre les réseaux d’eau, d’électricité, de gaz, trois archéologues de l’Inrap peuvent y mener des fouilles préventives depuis avril. Celles-ci vont durer jusqu’à l’issue du chantier en 2025. Selon Bénédicte Guillot, responsable de recherche à l’Inrap Normandie, « ça nous permet d’aller dans des endroits jamais atteints. Notre chance sur ce chantier est d’avoir les 5 hectares du château pour nous. On peut creuser partout ».
Mieux, l’ampleur des découvertes en 8 mois « renouvelle notre façon d’imaginer l’Histoire du château ». La principale « surprise » a été la mise au jour, près du donjon, de « l’entrée fortifiée du vieux palais ». En l’occurrence le premier palais de Guillaume-leConquérant, arasé par Philippe Auguste au début du XIIIe siècle après sa conquête de la Normandie. Jean-Marie Levesque, le directeur du musée de Normandie et du château, a déjà décrit à Liberté Caen la qualité de ses vestiges [lire Liberté n°10164 du 28 septembre].
« La base d’une tour jusque-là inconnue »
Dans ce secteur du château, les archéologues ont non seulement « dégagé la base d’une tour jusque-là inconnue », mais aussi suivi la piste d’un chemin fait de cailloux compactés, « très bien conservé ». Bénédicte Guillot le précise, « on l’a déblayé en juillet, c’est un vrai bonheur à fouiller, il est en parfait état ». Ce chemin datant de 900 ans devait traverser la cour palatiale. Il a été « retrouvé de la chapelle aux anciens entrepôts ».
Ces derniers sont une autre avancée majeure des fouilles. L’Inrap Normandie a pu délimiter « un grand bâtiment, mesurant au moins 30 mètres de long par 20 mètres de large ». Avec plusieurs entrées, pour les piétons et des charrettes. Il aurait été « utilisé pour stocker les denrées nécessaires au bon fonctionnement du palais ». Ces trois découvertes « renouvellent complètement la vision du château sous les Plantagenêt au XIIe siècle », selon Bénédicte Guillot. Ce n’est pas la seule période éclairée sous un autre jour par les fouilles préventives. À l’entrée du château, une rue médiévale a été mise en évidence au bas de la porte Saint-Pierre. Large de près de 5 mètres, bordée de bâtiments pas encore répertoriés sur des plans, elle remonterait jusqu’à l’église Saint-Georges.
Du XIIe siècle à la guerre
Autour de celle-ci, des sépultures d’enfants d’avant la fin du XVIIIe siècle sont remontées à la surface. Chacun des secteurs fouillés a réservé son lot de trouvailles inattendues, balayant toute l’existence du château, d’un « rarissime modillon en pierre décoré d’un visage », datant du XIIe siècle, à des bouteilles de bière laissées par des soldats anglais en 1944. En passant par des « graffitis » gravés dans la pierre au XIIIe siècle, dont un représentant un chevalier chassant un dragon.
Toutes ces pièces « incroyables » pour Bénédicte Guillot seront « reversées dans les collections du musée de Normandie », assure Jean-Marie Levesque. « Elles sont la propriété de la Ville de Caen. » Elles pourront être exposées dans la salle de l’Échiquier. Mais pas tout de suite. « Un bilan des fouilles devrait être fait en 2026 », estime le directeur du château. Ensuite, il faut « 2 ans pour l’exploitation des données. C’est l’État, via la DRAC, qui prend les décisions pour leur protection et leur mise en valeur ».