Martine Tantet est la mémoire du festival du cinéma américain qu’elle suit depuis 1979
Martine Tantet avait 24 ans quand elle a commencé à s’intéresser au festival du cinéma américain de Deauville. Depuis, elle n’a manqué quasiment aucune édition dont chacune est consignée dans un album photos.
« Mes plus belles années, je les ai vécues du temps de Lionel Chouchan, André Halimi et Michel d’Ornano», avoue Martine Tantet, un brin de nostalgie dans la voix.
Ce commentaire, Martine peut se le permettre, elle qui se passionne pour le festival deauvillais depuis 45 ans, au point d’en être devenue l’une des plus grandes spécialistes.
L’aventure, c’est l’aventure
En 1979, Martine a 24 ans. Le festival en est encore à ses balbutiements, mais la jeune femme, qui travaille alors à la crèche de Deauville, comprend très vite que l’événement est un repaire de stars américaines, d’acteurs français et de personnalités de tous horizons. Et Martine adore les célébrités, c’est là son moindre défaut.
Ainsi le 9 septembre 1979 marque pour elle le début d’une sacrée aventure. Armée d’un carnet, d’un stylo et, bien sûr, d’un appareil photo, Martine va se fondre dans le décor du festival, collectionner des d’autographes et réaliser des milliers de clichés, souvent insolites.
Elle sait y faire Martine. Un sourire, une parole bienveillante et elle arrive à ses fins, au point de parfois rendre jaloux les photographes professionnels qui n’en obtiennent pas tant.
Une époque formidable
«C’était une époque formidable, se souvient Martine. Je prenais une semaine de vacances pour me plonger, souvent avec maman, dans l’ambiance du festival.» Au casino, dans les rues, devant les hôtels, elle attend, elle guette. «Je préférais rencontrer les acteurs plutôt que voir les films. Les films j’avais tout le temps de les voir dans l’année alors que les stars, je n’étais pas certaine de les recroiser un jour.» Martine passe ses journées à traquer les invités « parfois, il m’arrivait de ressortir après dîner dans l’espoir de croiser une célébrité dans la rue.» C’est ainsi qu’elle rencontrera Philippe Noiret.
Au fil des années et des éditions, le visage de Martine est familier à tous, elle fait littéralement partie du paysage du festival. Elle va jusqu’à sympathiser avec les agents de sécurité qui parfois lui facilitent l’accès au temple du festival, le casino, où tout se trame. « Ça s’est corsé quand l’organisation a fait venir des agents de Paris » se souvient-elle, mais il en fallait bien davantage à Martine pour contrarier sa quête, « réaliser le cliché qui ne sera dans aucun journal le lendemain. »
Quand Kevin rencontre Martine
Écouter Martine raconter ses festivals, c’est marcher sur Hollywood boulevard. Elle a approché les plus célèbres acteurs des plus grandes productions. En évoquant ses souvenirs dans un désordre affectif, elle revoit la conférence de Jack Nicholson : « Il avait les mêmes yeux que dans Vol au-dessus d’un nid de coucous.» Puis elle revit avec émotion son plus beau souvenir : « J’étais seule dans mon coin et soudain quelqu’un arrive et m’embrasse. C’était Kevin Costner. Il m’a pris la main et ne l’a plus lâchée pendant sa conversation avec son interlocuteur. Je le reverrai toujours dans son grand manteau marron. »
Martine a aussi retrouvé les lunettes de Jacqueline Maillan, discuté avec Catherine Deneuve, rencontré ses idoles et approché les futures stars.
Se souvenir des belles choses
Quand le festival se termine, commence le travail de Martine. Pendant des semaines, ses soirées sont consacrées à revivre le festival à travers les photos et les autographes. Minutieusement, et selon une méthode bien précise, les dizaines de clichés sont classés, répertoriés, annotés, enrichis de coupures de presse. Un travail d’orfèvre et une documentation à faire pâlir d’envie le plus scrupuleux des archivistes.
Car depuis 45 ans, Martine consigne chaque année ses fabuleux souvenirs dans d’épais albums à la couverture en cuir qui seront ensuite rangés et jalousement gardés.
En remplissant des souvenirs les pages de ses albums, la discrète Martine a écrit comme personne l’histoire du festival. Elle possède désormais un trésor d’une valeur inestimable. « Les feuilleter, c’est comme un gâteau que l’on déguste», savoure-t-elle.
Martine superstar
Pourtant, au fil des ans, si la passion ne s’est pas émoussée, le plaisir s’est imperceptiblement érodé. Depuis quelques années, le public de la rue est cantonné derrière les barrières. De convivial, le festival est devenu plus impersonnel. Martine reste fidèle à son rendezvous de septembre, mais trop d’organisation freine les élans de spontanéité. Et quand elle entend Bruno Barde dire « les stars du festival, ce sont les films », Martine lui répond :
« Nous, on n’en a rien à faire, ce que nous voulons c’est voir des stars et des people, nous sommes là pour ça… un festival c’est aussi faire plaisir au public derrière les barrières. »
Pour autant, Martine est très reconnaissante à sa ville :
« Deauville nous a offert l’occasion de côtoyer des gens que nous aimions et que nous ne voyions qu’à la télévision. » En remerciement, elle a remis une très grande partie de sa collection de photos aux Franciscaines. Les plus beaux clichés sont restés dans son coeur et comme le dit si bien Anne d’Ornano : « Martine, la star, c’est vous ! ».