1936, année funeste pour Charcot
Cet été, en collaboration avec l’association « Histoire et Patrimoine du Pays de Dinard - Rance Emeraude », Le Pays Malouin publie chaque semaine une tranche de la vie de l’explorateur et scientifique Jean-Baptiste Charcot, en hommage au 80e anniversaire du naufrage du « PourquoiPas ? », survenu le 16 septembre 1936.
En France, c’est le Front Populaire. Charcot se sent déprimé, honteux pour son pays devant le déchaînement des passions. Il se sent vieux aussi, comme Le Pourquoi-Pas ? qu’il appelle « le vieux bateau » : « le PourquoiPas ? vieillit, moi aussi, et puis surtout, tout le monde s’en fout et mes dernières ressources sont épuisées » (lettre du 12 Juin 1936 à Fred Matter). Les expéditions polaires sont passées de mode. La politique prime, les démarches officielles de préparation de la mission se prolongent. « Pour moi, un vieux qui n’a plus beaucoup d’années à vivre, c’est une effroyable désillusion … J’ai aimé mon pays à la frénésie » . Il a peur d’être mis au chômage ; il entre dans sa 70ème année, juste avant le départ de l’expédition. A 69 ans il arrive à une limite d’âge.
Dans pratiquement toutes ses lettres on peut lire : « c’est sans doute notre dernier voyage » . Est-ce un pressentiment funeste? Ou l’angoisse de l’inactivité forcée ?
Le 14 Juillet 1936, à St-Malo, Charcot remonte la Rance, avec sa famille et quelques amis et rallie Saint-Servan. Le départ est fixé au lendemain ; Charcot est sombre, songeur, il se met fréquemment à l’écart.
Le soir, à la cale de la Landriais avec les mêmes personnes, plus le Commandant Le Conniat et sa femme, à bord, il fête ses 69 ans, pendant que la tempête se lève et retardera le départ d’un jour. Il a reçu un télégramme de la mission Victor, qui a traversé d’Ouest en Est l’Inlandsis groënlandais et l’attend sur la côte Est.
Le Pourquoi- Pas ? quitte Saint-Servan le 16 juillet.
Appuyé au bastingage du Pourquoi Pas ?, il passe au large du phare du Grand Jardin : il quitte Saint-Malo pour la dernière fois. Trois tempêtes s’abattent entre St- Malo et l’Ecosse.
Le Pourquoi Pas ? atteint Angmagssalik le 5 août pour livrer du matériel scientifique à la mission Victor qui vient de traverser l’inlandsis en 50 jours. Quelques jours sont encore nécessaires pour transporter le matériel de Victor jusqu’au fjord choisi pour son nouvel hivernage. Le Pourquoi-Pas ? reprend la mer pour sonder entre le Groënland et l’Islande, mais la tempête redouble !
« Crever avant que cela n’arrive »
Le 11 août, c’est le départ dans la brume. Un gros temps contraint le Pourquoi-Pas ? à se réfugier le 15 août à Isafjord. Le 30 août en raison d’une grave avarie de la chaudière, devenue inutilisable, le Pourquoi-Pas ? revient à voilure réduite à Reykjavik le 3 septembre. Les travaux de réparation se prolongent. Tous ces contretemps dépriment Charcot, pratiquement ruiné ; il sait que de multiples ennuis administratifs l’attendent ; il est aussi conscient que naviguer autour de l’Islande, croiser les Shetlands, se rendre au Danemark et rentrer en France par la mer du Nord représente un périple long et difficile pendant l’équinoxe, période la plus dangereuse, forte en tempêtes. Dans une lettre du 9 septembre, Charcot confie : « Trop de choses s’effondrent ou menacent de s’effondrer autour de moi … Mon bateau qui me permettait de ne pas être n’importe qui, vieillit. Moi- même, je prends de l’âge, bien que je ne m’aperçoive pas que je vieillisse. On devrait crever avant que cela n’arrive… » .
La dernière grande joie du Commandant Charcot est d’apprendre, avant le dernier départ, la naissance de sa petite- fille Anne-Marie, fille de Monique, qui perpétue aujourd’hui, en tant que présidente de notre association, la mémoire de son grand-père.
A voir. Exposition « Charcot et le « Pourquoi Pas ? » en arctique, 1912-1936 », du 3 au 25 septembre à la Tour Bidouane (sur 3 niveaux), à SaintMalo Intra-Muros de 10h à 12h et de 14h à 18h tous les jours. Entrée gratuite.
Conférences. Vendredi 16 septembre : « Charcot et le Pourquoi-Pas ? Un homme, un destin » par Marc Bonnel, président de l’Association Histoire et patrimoine du pays de Dinard, Rance Emeraude. A Dinard, salle du Balnéum, Palais des Arts à 15h. Samedi 17 septembre : L’héritage patrimonial de l’oeuvre de Charcot par le Pr Jean-Dominique Wahiche (Cresco, Dinard). Dimanche 18 septembre : l’héritage scientifique de Charcot, la station marine de Dinard du Muséum d’Histoire Naturelle. 130 années d’inventaires et de recherche sur la biodiversité des milieux marins, en lien avec l’Ifremer et l’Ecole Pratique des Hautes Etudes par Eric Feunten (CRESCO-Dinard).