L’hommage de la France à Jean Charcot
Cet été, en collaboration avec l’association « Histoire et Patrimoine du Pays de Dinard - Rance Émeraude », Le Pays Malouin publie chaque semaine une tranche de la vie de l’explorateur et scientifique Jean-Baptiste Charcot, en hommage au 80e anniversaire du naufrage du « PourquoiPas ? », survenu le 16 septembre 1936. Suite et fin de ce récit dans cette édition.
16 septembre 1936. Le Pourquoi Pas ? disparaît corps et biens, entraînant dans les eaux glacées de l’Islande, outre l’équipage et l’équipe scientifique, le commandant Le Conniat et le commandant Jean-Baptiste Charcot. Mme Charcot participe avec sa fille Martine, âgée de 25 ans, à une séance de cinéma à Aixles-Bains lorsque, à l’entracte, une annonce interrompt brusquement la séance : « Nous apprenons avec consternation une catastrophe qui endeuille la France entière, le corps et biens. »
Une odyssée scientifique comparable à l’odyssée de l’espace s’achève.
Les cérémonies funèbres se succèdent. A Reykjavik d’abord, à l’arrivée des navires de guerre français le contre-torpilleur Audacieux et le transport Aude, puis dans la cathédrale, où le 30 septembre le peuple islandais, accueilli par Mgr Meulenberg, vicaire apostolique d’Islande, rend un hommage émouvant aux disparus. a sombré
Le glas des clochers de Saint-Malo
En France ensuite, après l’arrivée des cercueils à Saint-Malo, port d’attache du PourquoiPas ?, amenés par le paquebot Aude sur le quai de Saint-Malo, le samedi 10 octobre 1936. Un cénotaphe est élevé sur la place Saint-Vincent et Alphonse Gasnier-Duparc, ministre de la Marine, accueille les vingt-deux corps restants sur les quarante disparus. Au cours de son discours d’adieu, il lance : « Quel homme que ce Charcot, et quelle belle âme ! »
Saint-Malo est en deuil. Le glas des clochers de la côte résonne, les drapeaux français cravatés de crêpe flottent aux fenêtres, tandis qu’une foule de 20 000 personnes recouvre les remparts et les quais. Le peuple des rudes marins accompagne la famille, les équipages de Charcot et les personnalités présentes, dont l’amiral Darlan, M. Mikkelsen, gouverneur général du Groënland, le père Yvon, aumônier des Terre-Neuvas et le R.P. Lebret, ami personnel du Commandant Le Conniat.
Obsèques nationales à Notre-Dame
Le 12 octobre, les obsèques nationales ont lieu à Notre-Dame pour un suprême hommage aux disparus du Pourquoi Pas ?, en présence du président de la République Albert Lebrun, de Mgr Verdier, cardinal-archevêque de Paris, avec un discours de Jean Perrin, sous-secrétaire à la Recherche scientifique, président de l’Académie des Sciences et Prix Nobel qui conclut : « Pour nous, pour vous, jeunes gens, espérance de la Patrie, il reste, fortifiés par cet exemple, à poursuivre jusqu’au bout de nos forces la marche de l’humanité conquérante vers un avenir qui dépassera les plus audacieux de nos rêves » .
Jean- Baptiste Charcot est inhumé au cimetière de Montmartre.
Ainsi s’achève dans la douleur l’odyssée du Pourquoi Pas ?
Cité à l’Ordre de la Nation
Dans cette citation à l’Ordre de la Nation le Docteur Jean Charcot est honoré par ces mots : « Héritier d’un nom lourd de gloire, explorateur intrépide des régions polaires, apôtre d’action et savant, marin et géographe, le docteur Charcot a consacré toute sa vie à la recherche scientifique, pour le plus grand honneur de son pays. Mort bravement à son poste de chef, le docteur lègue aux jeunes, qu’il aimait passionnément, le plus magnifique exemple d’une vie où l’action et la pensée se sont constamment confondues. »
Amour pour son pays et la Marine
Cet hommage corrobore ce que Charcot avait coutume de dire : « Si j’ai pu faire quelque chose pour mon pays, je ne peux pas vous dire que ce soit involontairement, car tout ce qui m’a dirigé dans ma vie a été un profond amour pour lui. Mais il a été doublé d’un autre amour : la Marine Française » . Charcot affectionnait aussi cette phrase de Victor Hugo à propos d’un marin anglais : « Après s’être efforcé toute sa vie d’être un homme, il usa en mourant du droit d’être un héros. »
L’héritage du commandant Charcot
Charcot fut sans conteste ce héros des temps modernes et le transmetteur du flambeau des expéditions polaires françaises à Paul-Emile Victor, en premier lieu, puis à un autre médecin Jean-Louis Etienne… ou à des défenseurs de la planète, sentinelles de l’alerte écologique, tels que Nicolas Hulot ou le photographe Yann Arthus-Bertrand.
Aujourd’hui nous sommes quelques- uns à perpétuer l’image des Charcot, autour de sa petite- fille Anne- Marie Vallin- Charcot, née 10 jours avant le naufrage du PourquoiPas ?, présidente des « Amis du Commandant Charcot et du Pourquoi-Pas ? » . Elle vient de participer, avec le PourquoiPas ? de l’IFREMER, en Islande, en présence du président de la République d’Islande, aux cérémonies de commémoration des 80 ans du naufrage.
Le Pourquoi- Pas ? n’a pas disparu ; de jeunes élèves du lycée maritime de Saint-Malo ont comme ambition de reconstruire à l’identique un nouveau Pourquoi-Pas V ? qui servirait de bateau-école exemplaire. Nous les assurons de notre soutien le plus ardent. La relève est assurée, conformément au souhait du grand Charcot, ce médecinmarin-explorateur au destin hors normes, dont nous vous avons narré pendant 12 semaines l’épopée.