Le Pays Malouin

Un étrange accident dans une usine désaffecté­e de Dol

Un jeune homme est tombé du dernier étage, à 8 mètres de hauteur. Il dit avoir été poussé. Son ami, jugé devant le tribunal de Saint-Malo, raconte avoir seulement voulu lui faire peur.

- Sa. S

Huit mètres. C’est la hauteur vertigineu­se de laquelle est tombé Stéphane*, le 22 juin 2014. Ce jour-là, le jeune homme avait passé sa soirée, avec trois autres amis, à la fête de la musique à Dol-de-Bretagne.

Vers minuit, les quatre copains quittent le centre-ville pour une usine désaffecté­e de Dol, à quelques centaines de mètres de là. « On voulait changer d’air, terminer la soirée ailleurs » , raconte Christophe*, 19 ans à l’époque.

C’est lui qui entraîne ses amis sous cet amas de tôles et de verre brisé. Il connaît bien les lieux. Un endroit « sympa » , mais aussi « dangereux » , admet-il. Où le petit groupe se guide à la seule lumière des téléphones portables.

Christophe en profite. Il s’amuse à « faire peur » à ses copains. Devant des traces rouges au sol (qui s’avéreront être de la peinture), il raconte qu’un « clochard a égorgé des gens ici » . Tout le monde ne goûte pas à ses « blagues » . Le groupe se divise. Seul Stéphane reste avec son drôle d’ami improvisé guide de nuit.

Les deux jeunes hommes montent alors jusqu’au dernier étage de l’usine où Christophe continue ses facéties. Il dit entendre des cris bizarres. Et se propose d’aller voir plus bas ce qu’il se passe. Stéphane s’inquiète. Appelle son ami. Mais personne ne lui répond. Volontaire­ment. « Je m’amusais à lui faire peur. Mais Stéphane a paniqué. Il s’est approché d’une fenêtre et est tombé… » raconte Christophe.

Stéphane s’écrase huit mètres plus bas, après « avoir vu heureuseme­nt sa chute amortie par un toit en taule » , rappelle le président du tribunal Guillaume Bailhache.

Multiples fractures vertébrale­s, pneumothor­ax, contusions. Stéphane est dans un sale état. « Il n’était pas bien. Il n’arrivait pas à se lever. Je suis resté à ses côtés toute la nuit… J’ai paniqué à mon tour, je ne savais pas quoi faire. J’ai attendu le lever du jour pour récupérer son téléphone perdu dans sa chute et appeler les pompiers » , poursuit Christophe. L’accident a eu lieu vers 1h du matin. Les secours arriveront sur place à 5h30.

« Vous êtes restés quatre heures sans rien faire ! Vous n’avez pas pensé à aller chercher du secours plus tôt ? Vous vous rendez compte qu’il aurait pu mourir » s’étrangle le procureur qui va jusqu’à se demander « s’il n’y a pas un côté pervers à regarder pendant autant de temps son ami agoniser » .

Plus étrange encore : quand la victime, Stéphane, reprendra ses esprits, il avancera une autre version aux gendarmes, affirmant ne pas être tombé tout seul mais « avoir bien senti quelqu’un le pousser » quand il était près de la fenêtre.

« Oui, je lui ai fait peur mais non je ne l’ai pas poussé ! Ce n’est pas moi » , jure aujourd’hui en pleurs Christophe devant le tribunal de Saint-Malo. Reste que l’unique prévenu dans cette affaire n’a pas toujours soutenu la même version devant les enquêteurs. Décrit comme « un menteur » , il a même été jusqu’à raconter dans le détail, la mystérieus­e interventi­on de deux autres hommes cette nuit-là…

Stéphane est-il tombé seul ou a-t-il été poussé ? Finalement, la question n’a pas été tranchée à l’issue des débats. Pour le par- quet de Saint-Malo, il ne fait pourtant aucun doute que Christophe doit être condamné pour « violence suivie d’incapacité supérieure à 8 jours (60 jours en tout) » et « non assistance à personne en danger » ,à1 an de prison (libre au tribunal de prononcer la durée du sursis), l’obligation de se soigner, de travailler et d’indemniser la victime.

« Vous êtes restés 4 heures sans rien faire ! » « Non, je ne l’ai pas poussé ! »

Des réquisitio­ns que n’a pas suivi le tribunal de Saint-Malo qui a finalement relaxé Christophe des faits qui lui étaient reprochés, au motif que les violences n’étaient pas prouvées et que le jeune homme avait, malgré tout, fini par porter assistance à son ami. * Prénoms d’emprunt.

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