Le Pays Malouin

L’amour plus fort que la maladie

Le cancer du sein est entré brutalemen­t dans la vie de Virginie au printemps. L’année de ses 40 ans. Avec son compagnon Vincent, ce couple de Saint-Malo brise les tabous pour sensibilis­er contre la maladie. Pour montrer que « la vie continue ».

- Samuel SAUNEUF

C’est une photo forte. Éprouvante. Émouvante. Pour certains gênante. Dans l’objectif de la photograph­e malouine Sandrine Sauveur, deux êtres à demi nu, enlacés, aimants. Et cette fichue balafre au coeur de leur intimité. Le vestige d’une maladie qui fait désormais partie de leurs vies. « Je suis Virginie. Il s’appelle Vincent. Nous formons un couple - une belle famille - avec nos trois enfants. Le cancer est entré dans nos vies en 2016 - l’année de mes 40 ans » , nous écrit-elle sobrement.

Virginie rentrait d’un foo- ting ce jour-là. Elle a deviné au toucher « une masse un peu bizarre » , au niveau du sein droit. La suite ? « On vous cite des chiffres. On ne sait pas de quoi on vous parle » . Madame, vous êtes atteinte d’un cancer de stade 2. Examens, interventi­on chirurgica­le, analyses.

Et puis vient cet appel, un mois plus tard, sur la route du retour de vacances en Crête. « On ne vous le dit pas comme ça au téléphone. Mais j’ai compris… » Le cancer est pernicieux, a laissé des traces. Virginie doit se faire retirer le sein. « Vous pensez mutilation » . Elle se représente le célèbre tableau de Delacroix, détourné par le magazine Rose. Cette femme coiffée d’un bonnet phrygien, La liberté guidant le peuple, amputée d’un sein.

Une image rassurante avant d’attaquer « le plus dur » , le mois « qui suit l’ablation » . Il ya « la cicatrisat­ion » . « L’acceptatio­n de son nouveau corps » . L’éventualit­é d’une reconstruc­tion mammaire « qui ne sera pas possible avant un an » . Les brûlures engendrées par les rayons. Et puis, il y a aussi cette scène, qui la fait encore rire aujourd’hui : « La prothésist­e qui vient vous voir dans votre chambre d’hôpital pour vous présenter ses modèles » .

Ce nouveau corps, cette nouvelle poitrine, il faut désormais à Virginie se l’approprier. Sensible à la photograph­ie, elle prend connaissan­ce cet été du concours « Estée Lauder Pink Ribbon Photo Award 2016 » . Un concours national de photos s’inscrivant dans la campagne, « Octobre Rose » , de sensibilis­ation sur l’importance du dépistage précoce du cancer du sein.

Le thème ? « S’aimer » . Tout joliment, tout simplement.

« Après mon ablation du sein droit, j’ai su qu’il faudrait penser comment m’approprier cette nouvelle poitrine, vivre avec, la chérir et laisser Vincent la découvrir, la caresser et l’aimer à son tour. Notre photo exprime la sensualité d’un « peau à peau », tendre et nouveau. S’accepter soi-même et vivre cette expérience artistique à deux pour continuer l’aventure ensemble » , décrit Virginie.

Le cliché est signé du photograph­e Sandrine Sauveur, une amie de longue date du couple, dont le studio -Sous Caféineest installé rue Ange Fontan à Paramé. Pour elle, c’est une évidence : quand ça va mal, « la photo fait du bien » . La thérapie par l’image. Pour exprimer de façon artistique la douleur, par l’amour et la sensualité.

Au diable la gène ou les fausses pudeurs. On s’en moque. « C’est un projet artistique. C’est l’amour qui prédomine » , intervient Vincent. « Il ne s’agit pas non plus de banaliser la maladie, insiste Virginie. C’est une épreuve. Une femme sur huit est touchée. 10% d’entre elles en meurent. Non, il ne faut pas banaliser le cancer du sein mais il faut le désacralis­er » . Cette photo, c’est aussi et surtout un message. « Écoutez votre corps. Prenez le temps de vous faire dépister » , rappelle Virginie.

Ce cliché, lui, commence à circuler, « plaît » , et va peutêtre finir par être exposé. « Dans le cadre de ce concours, 40 photos ont été sélectionn­ées à travers toute la France. Il en fait partie » . On devait connaître mardi soir (après le bouclage de ce numéro) le nom du grand lauréat. De toute façon, cette photo n’est qu’un début. Virginie, Vincent, Sandrine, son mari Thierry et d’autres amis ont depuis lancé l’associatio­n « SiNoo » à Saint-Malo. Comme « si nous courions, naviguions, nagions, chantions ensemble, pour lutter contre le cancer du sein » (lire encadré). Le début d’une nouvelle aventure, contre la maladie, pour montrer comme le veut cette photo, « que la vie continue » .

« Il ne s’agit pas de banaliser mais de désacralis­er la maladie »

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