Le vrai du faux de la moule de bouchot de la baie du Mont
C’est l’une de nos spécialités et de nos fiertés avec les huîtres. La moule de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel fête ses dix ans d’« Appellation d’origine contrôlée » cette année. L’occasion de démêler le vrai du faux sur ce produit de la mer.
Vrai. Pour tout dire, on est chauvin, car on ne s’est pas aventuré à la comparer. Mais beaucoup l’affirment : la moule de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel, c’est un peu « la rolls de la moule ». Rien à voir avec la « sauvage », « trop sableuse » ou celle cultivée sur filière « dont la croissance est trop rapide ».
La moule de bouchot de la baie du Mont, elle, est « un produit unique d’une qualité exceptionnelle. Sa chair est onctueuse, moelleuse, fondante » , assurent le président Eric Hodbert et ses amis du comité de défense de l’AOP (Appellation d’origine protégée) moules de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel. Faux. Bien qu’elle soit élevée et cultivée entre le Vivier et Saint-Broladre, sur le littoral brétilien, elle puise doublement ses origines ailleurs. Du côté de la Charente exactement, où des pionniers, à l’image d’Alexis Hodbert, le grandpère d’Eric, l’ont importée en Bretagne au début des années 50. « Ils sont arrivés avec leur savoir-faire et ont développé cette culture ici » , explique son petit-fils. Comme lui, beaucoup d’exploitants actuels au Vivier sont ainsi les descendants de ces mytiliculteurs charentais. Et aujourd’hui encore, les liens avec la Charente sont loin d’être rompus. « Nos naissains ne viennent pas de la Baie mais de Charente ou de Vendée » . Vrai et Faux. Restos, supermarchés… Vous trouverez de la moule de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel un peu partout en France. On l’exporte aussi en Europe, et même « au Japon » .
Mais non, bien sûr, on ne peut pas la déguster toute l’année. Après avoir grandi au rythme des marées pendant au moins onze mois, elle est arrivée cette année sur les étals le 20 juillet. Et pourra être vendue jusqu’au 15 février. La date de commercialisation de ce fruit de mer protégé est déterminée par une commission. Des échantillons sont prélevés et le taux de remplissage des moules est analysé. « C’est le pourcentage de chair par rapport au poids total » , détaille le mytiliculteur. Deuxième épreuve pour ce fruit de la baie : la dégustation organoleptique. « Elles sont cuites et goûtées. L’aspect, l’odeur, la saveur sont pris en compte » . Ces tests effectués et validés, l’autorisation de mise en vente peut alors être donnée, mais rappelle Eric Hodbert, « nous sommes contrôlés tout au long de l’année par un organisme indépendant » . Appellation contrôlée (depuis 2006) et protégée (depuis 2011, par l’Europe) signifie pour le mytiliculteur un cahier des charges très strict à respecter. Eh oui, la qualité a ses exigences.
Vrai. Évidemment que oui. La moule de bouchot de la baie du Mont Saint-Michel, c’est 52 entreprises représentant « 90 concessions familiales et près de 300 emplois » , explique Eric Hodbert. « 95 % de ces entreprises sont installées sur le port du Vivier » où grouillent d’énormes bateaux amphibies (d’une valeur de 400 000 euros). La baie, elle, compte environ 300 000 pieux, répartis sur 270 km. 11 000 tonnes de moules sont élevées ici chaque année.
Vrai et Faux. C’est selon. En tout cas, le sujet reste sensible. Des écologistes accusent. Eric Hodbert s’en défend : « Nous ne sommes pas dans une logique productiviste mais uniquement qualitative. Depuis 40 ans, on diminue le nombre de pieux pour préserver la ressource. Le nombre de concessions est gelé depuis les années 80 » . Tout le monde ne partage pas sa vision des choses. Des associations environnementales montrent du doigt ces milliers de kilos de moules abandonnées, trop petites pour être commercialisées, qui jonchent le sable de la baie. Odeurs, risques sanitaires… Des riverains s’en sont plaints aussi.
Faux. Marinières, au curry, à l’oseille, au cidre, à la plancha ou encore à la citronnelle et la coriandre. Il y a mille et une façons de préparer les moules de bouchot de la baie du Mont. Eric Hodbert, lui, voit les choses plus simplement : « Elle est délicieuse nature » . Chauffée à la casserole, « sans le moindre ajout, et surtout pas d’eau » . Le tout accompagné de pain-beurre et d’un Muscadet ou d’un Sauvignon et « vous m’en direz des nouvelles » . Allez, il est temps de passer à table maintenant : bon appétit !