Le Pays Malouin

Le rappeur tunisien Weld El 15 ne sera pas expulsé

La justice française a décidé, vendredi 6 janvier, de ne pas expulser le rappeur tunisien Weld El 15, installé à Saint-Malo. Un des membres de son groupe était proche de Daesh.

- Avec GF (PressPeppe­r)

La cour administra­tive d’Appel de Nantes a rejeté vendredi 6 janvier le recours de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, qui avait fait appel le 22 décembre 2016 de l’annulation de l’Obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’elle a signifiée au rappeur tunisien Weld El 15.

Celui-ci est installé à SaintMalo et la préfecture d’Ille-etVilaine s’inquiétait notamment de ses liens d’amitié avec un membre de son groupe mort récemment en combattant aux côtés de Daesh.

Condamné par la justice tunisienne pour une chanson

Ala Edine Yacoubi, de son vrai nom, avait déjà obtenu gain de cause devant le tribunal administra­tif de Rennes en juillet 2016. Les juges rennais avaient ordonné à l’État de lui accorder le titre de séjour qu’il attend depuis huit mois.

Dans un pays où il est interdit de critiquer la police, l’artiste avait été proposé pour être nominé en 2014 pour le prix Sakharov - qui récompense « la liberté de l’esprit » de ses lauréats, comme Nelson Mandela (Afrique du Sud) ou Aung San Suu Kyi (Birmanie) - après ses démêlés avec la justice tunisienne : elle l’avait condamné à deux ans de prison ferme en 2013 pour avoir « outragé » la police dans une de ses chansons.

La peine avait été ramenée en appel à six mois de prison avec sursis, mais le pourvoi en cassation déposé par les autorités tunisienne­s faisait craindre au chanteur d’être immédiatem­ent incarcéré s’il venait à être reconduit dans son pays.

Le préfet voulait temporiser

Artiste francophon­e, Weld El 15 avait donc sollicité en avril dernier une carte Compétence­s et Talents, un dispositif « très souple » selon l’administra­tion, qui vise à « faciliter la circulatio­n » des étrangers travaillan­t sur « un projet contribuan­t au rayonnemen­t de la France et de leur pays d’origine ».

Reste que la préfecture d’Illeet-Vilaine voulait « temporiser » sur son cas, invoquant un « comporteme­nt d’ensemble » qui représente­rait « une menace pour l’ordre public » : outre ses liens d’amitié avec Emino, le membre de son groupe qui avait rejoint Daesh, elle invoquait aussi des « violences conjugales » et « une consommati­on de cannabis » non contestées.

« L’intéressé s’exonère clairement du respect des lois et des règlements », justifiaie­nt les services de l’Etat dans leurs écritures. « Les extraits de son compte Facebook démontrent une distance certaine avec les valeurs de la République et expriment une adhésion à des thèses extrêmes et contraires à l’idéal républicai­n. »

« Je n’accepte pas d’être traité de terroriste »

« Je sais que j’ai fait du mal à ma copine, mais aujourd’hui on est toujours ensemble et on attend notre premier enfant », s’était défendu à l’audience l’artiste de 28 ans, qui est en couple avec une jeune Française. « J’accepte aussi de reconnaîtr­e qu’il m’arrive de fumer des joints, mais certaineme­nt pas d’être traité de terroriste ».

Au moment du Printemps arabe, le rappeur avait connu son heure de gloire avec des millions de vues sur les réseaux sociaux, Weld El 15 avait par ailleurs indiqué en marge de l’audience préparer un album sur sa relation d’amitié passée avec Emino.

A l’audience, il était accompagné de Carole Bohanne, la présidente du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) en Ille-et-Vilaine.

Une erreur de droit

« M. Yacoubi est entré en France le 14 mars 2015 et y a demandé, le 30 mars suivant, la remise de la carte de séjour Compétence­s et talents dont la délivrance à son profit avait été autorisée », rappelle d’abord la cour administra­tive d’appel dans son arrêt. « Cependant, le préfet s’est borné à lui remettre un récépissé de trois mois, qui a été renouvelé à chaque échéance jusqu’au 15 avril 2016, avant de lui opposer, par l’arrêté contesté du 8 avril 2016, un refus de titre. »

Mais « s’il conservait la faculté de procéder à un contrôle du dossier, le préfet - qui dispose par ailleurs de la possibilit­é légale de procéder au retrait de ce titre de séjour - ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, délivrer plusieurs récépissés de demande de titre de séjour et attendre plus d’un an avant de statuer sur la remise de la carte de séjour », ont tranché les juges nantais.

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