Les craintes sont-elles fondées ?
Hausse des tarifs, perte de la maîtrise de son abonnement, intrusions dans la vie privée, dangers des champs électromagnétiques sur la santé sont parmi les craintes que dénoncent les personnes opposées au passage au compteur Linky.
Les tarifs seront-ils revus à la hausse ?
5 milliards d’euros sont consacrés au déploiement de Linky. Le compteur et sa pose ne sont pas facturés, mais selon ses opposants, il faudra bien récupérer cet investissement quelque part.
Le Minihicois André Ganier-Lombard ne voit pas quelles seront les économies pour les usagers et parie que les factures seront revues à la hausse. « Nous devrons par exemple payer une contribution au déploiement ».
Du point de vue d’Enedis, les avantages ne sont pourtant pas négligeables. L’entreprise avance une réduction de coûts (ouverture de compteur passant de 27,30€ TTC à 13,20€ TTC, suppression du 2e compteur pour les clients « autoconsommateurs » produisant de l’électricité).
L’association UFC - Que Choisir, estimait néanmoins, en septembre dernier, que la main sur sa consommation, mise en avant, sera très limitée, à moins de souscrire à de nouvelles offres tarifaires.
Perdra-t-on la maîtrise de son abonnement ?
Les abonnements devraient, selon André Ganier-Lombard, aussi en prendre un coup. « Aujourd’hui, on choisit sa puissance. Mais ce principe va changer. Linky étant plus sensible, des millions d’abonnés vont franchir le seuil de puissance, modifiant le prix de l’abonnement. Ils vont donc au final payer plus cher. »
« Non, le système fonctionne comme par le passé », indique Robert Guillerm, directeur adjoint territorial d’Enedis Ille-et-Vilaine. C’est toujours au client de demander, s’il le souhaite, à son fournisseur une augmentation de la puissance du compteur.
« Avant, il fallait cinq jours pour que le technicien passe au domicile. Ce service était facturé 36 euros. Si vous demandez cette augmentation aujourd’hui, elle est réalisée à distance en un jour pour 3,60 euros. »
Les données personnelles sont-elles protégées ?
Autre inquiétude, la protection des données personnelles liées au compteur Linky. Pour certains de nos interlocuteurs, leur connaissance détaillée pourrait constituer une intrusion dans la vie privée. La crainte est aussi que ces données puissent être utilisées à mauvais escient, voire piratées.
« Le compteur mesure l’installation complète mais pas au cas par cas des appareils. On ne saura pas à quel moment quelqu’un prend sa douche. La consommation est relevée à J + 1 et non en temps réel » , rectifie Robert Guillerm.
Seules les données de consommation générale sont consultables, uniquement par le client. À sa demande, un mot de passe lui est envoyé par courrier pour accéder à un espace Internet sécurisé. Les données transférées par Linky journellement sont cryptées trois fois et ne sont pas nominatives.
En octobre, la Ligue des Droits de l’homme a rendu un avis sur la question de la protection des données personnelles liées à Linky. À l’issue d’assurances reçues de la CNIL et d’Enedis, elle note : « Les procédures ne nous paraissent pas constituer une infraction au consentement libre et éclairé que la loi (Informatique et Liberté) exige pour toute utilisation de don- nées personnelles » . La Ligue déplore toutefois qu’un « sérieux défaut d’information préalable à l’installation entraîne toutes sortes d’inquiétudes et des refus nombreux » .
Que peut faire le distributeur à distance ?
« Couper le compteur pour quelqu’un qui ne paie pas ? faire des coupes par délestage selon les pointes de consommations ? et s’il y avait des grèves, ne pourraient-ils pas couper l’électricité ? », s’inquiète André Ganier-Lombard qui voit là « un système vicieux » et une autre possible intrusion dans la vie privée.
Même si Enedis a la main sur les coupures, une note d’électricité non réglée, par exemple, ne pourra pas plus, dans l’avenir, entraîner de coupure sèche. Les règles et délais s’appliquant aux impayés restant les mêmes qu’aujourd’hui.
Enedis préfère voir le verre à moitié plein. « Si une panne se produit aujourd’hui et que personne n’appelle, on ne le sait pas. Avec Linky, Enedis sera au courant des pannes et de leur ampleur pour savoir quelle réponse apporter, combien de techniciens déplacer. »
Linky met-il les appareils en panne ?
Les pannes survenant après la pose de Linky ne sont, selon Enedis, pas liées directement au compteur. L’entreprise estime qu’après la coupure de courant nécessaire à l’installation, « des appareils peuvent avoir des difficultés à redémarrer (horloge déréglée, perturbations…) ». Et reconnaît des problèmes sur des lampes tactiles. « Certains modèles sont sensibles au-delà de la bande de fréquence qui leur est dédiée. Elles reçoivent donc parfois et à tort la communication. Le service Client Linky (numéro vert) a une écoute spécifique pour ce genre de problèmes. »
Et les appareils électroménagers qui grilleraient ? « Il n’existe pas d’interaction entre le compteur Linky, son mode de communication et les appareils, estime Robert Guillerm. Dans les cas que nous allons voir, 8 fois sur 10, c’est la coupure de courant momentanée qui a provoqué le dysfonctionnement. »
Quant à des problèmes de surchauffe recensés, « le compteur n’est pas en cause. En 2010, 5 compteurs sur les 300 000 expérimentés ont connu une chauffe, liée à la pose du compteur et due à un défaut de serrage. Pour effectuer un serrage correct, les techniciens ont été équipés d’un tournevis dynamométrique. Des visites Qualité sont effectuées après le passage des prestataires. »
Linky est-il dangereux pour la santé ?
Pour transmettre ses données journalières, Linky utilise le système CPL (courant porteur en ligne) pour communiquer avec un concentrateur extérieur qui collecte les données des compteurs.
Le champ électromagnétique produit inspire des craintes. Ainsi des personnes se plaignentelles de maux liés à une électrosensibilité (lire par ailleurs) depuis que Linky a remplacé leur ancien compteur. Pour autant, cette maladie n’est à ce jour pas reconnue.
« Concrètement, nous ne pouvons nier la souffrance des personnes qui sont dans ces postures », indique Robert Guillerm. Dans son rapport de mesures sur les champs électromagnétiques créés par le compteur Linky paru en mai 2016, l’ANFr (Agence Nationale des Fréquences) a indiqué que l’exposition liée à l’usage du CPL était faible, respectant les gammes de fréquence.
Ces tests, effectués en laboratoire, ont été suivis de tests chez des particuliers, rendus publics en septembre dernier et arrivant à une conclusion similaire. De son côté, en décembre, l’expertise de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) note que « les compteurs Linky (…) sont à l’origine d’une exposition comparable à celle d’autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers. » Elle conclut sur « une très faible probabilité que l’exposition aux champs électromagnétiques émis (…) puisse engendrer des effets sanitaires à court ou long terme » .
« Il faut savoir qu’aujourd’hui on a déjà beaucoup d’ondes. Et ce sera bientôt pire avec l’installation de concentrateurs qui collecteront les données des compteurs, s’insurge Philippe, un Dinardais proche du groupe local StopLinky. On supporte ces ondes, mais il y a certainement une limite. Chacun a des réactions différentes et on n’a pas le recul nécessaire. »
La multiplication des objets connectés fait notamment dire à l’Anses que, selon les développements futurs, « la question de l’exposition des personnes aux champs électromagnétiques devrait alors être anticipée et systématisée dans cet environnement évolutif ».