Le Pays Malouin

Des maltraitan­ces sur un enfant de 3 ans et demi à la limite de la barbarie

- N.E.

Jeudi 19 janvier, au tribunal de Saint-Malo, un homme de 34 ans a été condamné à 5 ans de prison, pour des violences sévères sur un enfant de trois ans et demi, ainsi que sur la mère de ce dernier.

Les affaires de violences sont toujours sordides. Quand elles touchent un enfant de 3 ans et demi, elles deviennent innommable­s. Lorsque les photos du petit corps martyrisé sont apparues sur le grand écran du tribunal, jeudi dernier, toute l’assistance a retenu son souffle. Des images insupporta­bles : des traces de coups, de brûlures, sur le ventre, le dos, les fesses et près des parties génitales…

Sur le banc des accusés, l’excompagno­n de la mère du petit garçon. Un homme de 34 ans, actuelleme­nt incarcéré, qui était éducateur sportif. A côté, les parents du petit garçon. Nous voilà partis pour plus de six heures de débats… Car cette triste histoire est aussi très complexe.

Le prévenu noue une relation avec sa nouvelle compagne en 2010. Chacun est parent de deux enfants, nés de précédente­s unions. Les premières années, ils conservent chacun leur propre domicile, situés dans les Pays de Saint-Malo et Dinan. Ils ne vivront sous le même toit qu’à partir de septembre 2014. Pourtant, c’est avant que les principale­s violences sur le petit garçon surviennen­t. Elles sont révélées au grand jour en juillet 2013.

Le 1er juillet, l’enfant est hospitalis­é une première fois. Pour ce qui ressemble à des ecchymoses et diverses lésions sur le corps. Les médecins les considèren­t d’emblée suspectes et font un premier signalemen­t.

Puis, le 26 juillet, le petit garçon est à nouveau emmené à l’hôpital. Cette fois, les médecins constatent des brûlures suintantes. Lorsque l’enfant est pris en charge, il est prostré et les soins doivent lui être prodigués sous anesthésie à cause de la douleur.

Le corps médical est formel : ces blessures ont été commises par un tiers, volontaire­ment.

Cette fois, l’enfant est immédiatem­ent placé ( 1). Une enquête diligentée. Quand il est interrogé les premières fois, le petit garçon hurle, incapable de répondre… Ce n’est que quelques mois plus tard que sa parole se libère. Partiellem­ent. A une assistante éducative, il déclare que c’est le nouveau compagnon de sa mère qui aurait commis ces violences. Avec ses mots à lui : « Il est méchant. Il me fait ça avec du feu, pendant que je dors et que maman est au sport ». Il parle aussi d’un « secret » , ce qui laisse penser qu’il a pu être menacé.

Le compagnon est placé en garde à vue. Mais personne n’y croit. Même pas les parents du petit. Par la suite, la mère expliquera avoir été sous l’emprise de son compagnon : « A ce moment, c’était inconcevab­le pour moi. Avec le recul, je regrette et je me rends compte que j’étais dans une autre réalité ».

De plus, aucun élément matériel ne vient accréditer cette version. Le compagnon, qui jure « sur la tête de ses enfants » qu’il est innocent, est donc libéré.

Les choses vont prendre une autre tournure par la suite. En juillet 2015, le prévenu est condamné pour des violences sur la mère de l’enfant.

Il écope de 5 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve, qui seront partiellem­ent révoqués car il est entré en contact avec sa désormais ex-compagne, malgré l’interdicti­on qui lui avait été signifiée. Puis, en novembre 2015, il est cette fois condamné à 8 mois de prison, pour des coups donnés en pleine rue à son ex-conjointe.

Mais même sous les barreaux, il continue à la harceler, en lui envoyant des SMS. Il tente de la faire culpabilis­er, en utilisant une fausse identité. Il laisse alors apparaître un comporteme­nt manifestem­ent manipulate­ur.

Qui interroge forcément la justice. D’autant plus que la jeune femme révèle qu’elle n’a pas subi qu’une violence ponctuelle mais régulière pendant plusieurs mois.

A la barre, le prévenu nie ou minimise. Mais le président le met face à des déclaratio­ns antérieure­s où il a reconnu des coups, l’avoir traînée par les cheveux…

Evidemment, les violences qu’a subies le petit garçon sont alors regardées par un autre prisme. Mais il n’y a aucun témoin, aucune preuve matérielle, pour savoir comment, où, quand les violences ont été commises. Sauf peut-être le 23 juillet 2013…

C’est en tout cas le « noeud de ce dossier » selon le procureur Ronan Le Clerc. Ce soir-là, des rougeurs seront remarquées par la mère sur le corps de l’enfant. Elles lui paraissent alors anodines mais ce sont bien des brûlures qui nécessiter­ont son hospitalis­ation trois jours plus tard. « Ce jour-là, l’enfant accompagne le prévenu au centre aéré toute la journée, indique le procureur.

Pendant les diverses activités de la journée, aucune rougeur n’est constatée par des témoins, alors que l’enfant va à la piscine, à la plage. Puis, il y a un trou dans l’emploi du temps du prévenu entre 16 h 30 (la fin du centre aéré) et la veillée du soir. C’est après cette veillée que les premières traces rouges sont remarquées. Or, le prévenu a toujours affirmé avoir sans cesse eu l’enfant sous sa surveillan­ce… »

De plus, quelques faits troublants ont eu lieu ce jour-là. Le prévenu va se rendre à la pharmacie et prendre du Tulle gras, un produit assez connu pour soigner des brûlures… Il a aussi expliqué aux enquêteurs qu’il avait justifié l’achat de ce médicament à la pharmacien­ne pour soigner le petit. Sauf que celle-ci a déclaré qu’il lui aurait dit qu’il prenait ce produit en vue d’une prochaine sortie en forêt. Pour le parquet, cela laisse planer la suspicion que le prévenu connaissai­t la nature des blessures et qu’il cherchait à les cacher.

Des coups, des brûlures suintantes… « Il est méchant. Il me fait ça avec du feu, pendant que je dors… » Un faisceau de suspicions

« C’est un peu court » , estime par contre Me Gautier, l’avocat du prévenu. « On n’a rien, juste des suppositio­ns. Il y a trop de zones d’ombre pour entraîner une condamnati­on ».

Les juges vont pourtant en décider autrement. Le prévenu a été déclaré coupable de violences sur l’enfant et sa mère. Il a été condamné à 5 ans d’emprisonne­ment. Il lui est en outre interdit d’exercer une activité en lien avec des mineurs pendant dix ans.

Il devra en outre verser aux parents 4500 euros, pour le préjudice et les frais d’avocat. Ainsi que 8 000 euros au conseil départemen­tal, pour sa prise en charge de l’enfant.

(1) Il vivait alors en résidence alternée, une semaine chez son père, une semaine chez sa mère.

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