Le Pays Malouin

Légion étrangère : « Nous sommes tatoués de l’intérieur »

- Recueilli par V.D. Après Rennes, Vannes, Lorient, Quimper, Brest, Morlaix, Saint Brieuc, le car exposition-recrutemen­t de la Légion étrangère sera à Saint-Malo ce jeudi 26 janvier. Il sera entre les remparts et le casino, à la dispositio­n du public pour

A l’occasion du passage du car exposition-recrutemen­t de la Légion étrangère ce jeudi à Saint-Malo, Mickaël de Prat, de Saint-Coulomb, qui a commandé pendant 22 ans 40 soldats dans la Légion étrangère, raconte…

Qu’est-ce qui caractéris­e la Légion étrangère ?

Avant tout des valeurs. Nous avons un code d’honneur de sept points, qu’on apprend par coeur, et que personnell­ement j’ai toujours avec moi dans mon portefeuil­le. C’est la base, pour nous. Nous servons la France, nous sommes tous frères dans la Légion, quel que soit notre origine. C’est aussi ce qui fait le fondement de la Légion étrangère : l’armée est composée d’étrangers, de 110 pays différents, tous là pour servir la France. C’est pour cela qu’il n’y a pas de Français, on les appelle les Gaulois ! Ce qui n’exclut pas que tous ceux qui le souhaitent puissent postuler. Moi, je suis de Saint-Coulomb ! On y est sur un pied d’égalité, tout est gommé. On redémarre, en somme. Et c’est la motivation personnell­e qui compte.

Ainsi, n’importe qui peut s’engager dans la Légion étrangère ?

Il faut être un homme, âgé de 17 à 40 ans. Le poste de recrutemen­t le plus proche est à Nantes, et on peut s’engager dans la Légion 24h sur 24 : c’est la particular­ité de la Légion étrangère. Et les légionnair­es n’ont jamais oublié le jour où ils ont franchi la grille, quoi qu’il arrive ! Évidemment, il y a une phase de sélection : un cheminemen­t administra­tif, le test de l’état de santé, etc. Mais on ne demande pas de Rambo, il n’y a pas de profil type, tout le monde a ses chances. Parce que chacun aura ses atouts, et qu’il s’agit de les faire fructifier : ainsi, le petit, trapu, aura plus de facilité à conduire un char qu’un gros costaud ; et dans la jungle, dans les marécages, eh bien, les plus grands vont aider les plus petits : parce que vous savez, un des sept fondements de la Légion, c’est on part à 40, on revient à 40…

Qu’est ce qui fait que vous êtes entré dans la légion étrangère ?

J’avais une maîtrise en commerce internatio­nal. Mais lors de ma première expérience, j’ai réalisé que je m’ennuyais, je n’étais pas intéressé par l’argent mais par l’expérience humaine. Je me suis souvenu de mon service militaire, et que ça m’avait plu. L’investisse­ment est tout autant personnel que corporel, l’engagement est complet ; c’est ça que je voulais.

Quelles furent vos missions ?

J’ai commandé 40 soldats pendant 22 ans. J’ai été dix ans à l’étranger, dont six ans en zones de conflit. Liban, Kosovo, Afghanista­n, dans le Sahara occidental au service de l’ONU, 13 mois en Côte d’Ivoire, quatre ans et demi en Guyane française à la protection du centre spatial. Puis de retour à l’Etat major, à Rennes, j’ai été responsabl­e de la gestion des jeunes engagés volontaire­s, puis référent… Aujourd’hui, à la retraite depuis 2012, je suis réserviste citoyen.

Vous n’avez jamais eu peur ?

On a peur tout le temps… d’avoir peur ! Quand ça tire de partout, et qu’il va pourtant falloir traverser sous les tirs, on a peur d’échouer, de se dégonfler ; mais il faut y aller, on n’a pas le choix ! Alors cette peur démultipli­e les réflexes acquis. C’est cette adrénaline qui décuple votre attention et vos ressources. Et c’est parfois plus dur et frustrant de rester en base arrière.

Vous avez donc frôlé la mort de nombreuses fois…

Oui, à de nombreuses reprises. Mais quand on est en mission on est en mission, on se concentre pour la mener au mieux. J’ai été blessé une fois, en Côte d’Ivoire, dans les combats d’Abidjan. Mais vous savez, on n’oublie pas : les événements forts laissent des traces. J’ai vu des blessés, des cadavres, des voitures exploser ; quand on dort, on a les images qui reviennent parfois. C’est ce qu’on appelle le traumatism­e du soldat : on est tatoués de l’intérieur…

Pourquoi s’engager dans la Légion aujourd’hui ?

Il y a une perte de repères, au niveau des jeunes, une situation de flottement. Ça peut permettre de canaliser un peu les jeunes qui se sentent perdus. Il ne faut pas oublier que ce sont de très jeunes gens qui sont partis rejoindre le général de Gaulle pour la France Libre en 1940, les jeunes d’ajourd’hui l’ignorent… Et la Légion, c’est une grande famille, une chaîne de solidarité énorme. Aujourd’hui, les gens ont 500 amis sur facebook mais qu’est ce que ça signifie ? Je peux appeler mes anciens camarades de la Légion, on est toujours là à tout moment les uns pour les autres.

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