Numérisé, le gisant sera sculpté en 3D
Une entreprise saint-pierraise reproduit en 3D une des sculptures majeures de l’oeuvre de l’abbé Fouré. Une technologie nouvelle innovante au service de la sauvegarde d’un patrimoine appelé à disparaître.
Pendant 16 ans, entre 1894 et 1910, l’abbé Fouré va entreprendre de sculpter des rochers en bord de mer à Rothéneuf. Sous son burin apparaîtront 500 personnages, dont un gisant.
Une oeuvre sculptée « qui fait de lui un artiste majeur de l’art brut » témoigne Pascale Tumoine, attaché de conservation du patrimoine au département d’Ille-et-Vilaine.
Seulement voilà, de par leur implantation en bord de mer, l’érosion se fait sentir et le risque est de voir disparaître un jour ces oeuvres de granit. « C’est donc dans un souci mémoriel qu’il a été décidé de recourir aux nouvelles technologies pour commencer à pérenniser, numériquement, une petite partie de ce patrimoine. »
Un travail exécuté par le CNRS à la Pointe du Christ à SaintMalo, et qui a pris 8 journées. Cette numérisation par laser scanner 3D « va permettre de conserver la trace numérique des sculptures qui ont été gravées, il y a plus d’un siècle. »
Une expérimentation innovante
Mais la démarche ne s’arrête pas là. Une expérimentation innovante vient d’être tentée grâce, une fois encore, à la nouvelle technologie. La reproduction de l’oeuvre par un pilote robotique du gisant en 3D, « la sculpture la plus emblématique et la seule qui possède un nom » précise Joëlle Jouneau, présidente de l’association des amis de l’oeuvre de l’abbé Fouré, et qui représente sans doute le duc de Bretagne Jean IV. Confié à l’entreprise Maillard à Saint Pierre de Plesguen, le travail d’usinage par le robot devrait durer 3 semaines.
Un bloc de 10 tonnes
Pour commencer, Loïc Maillard n’a pas souhaité utiliser du granit de carrière « parce que nous n’obtiendrons pas la même couleur. »
Ce souci du détail, mais surtout de coller au plus près de la réalité, l’a poussé à dénicher un bloc de granit brut de 10 tonnes, « croûté à fleur de terre et d’environ un siècle » sur la commune de Saint Pierre de Plesguen.
De ce bloc, un parallélépipède a été dégrossi et placé sur la table de travail du robot.
À partir d’un programme informatique sur 6 axes, élaboré par Johnny Merelle avec le support de la numérisation du CNRS, le bras du robot, équipé de fraises diamant, est entré en action et a commencé à détourer la silhouette du gisant.
Ne pas perdre les techniques ancestrales
Un travail long, minutieux, précis. Dont le but « n’est pas autre chose que de s’approcher au plus près de la réalité » assure Loïc Maillard qui admet « qu’à la main on aurait été incapable de refaire entièrement le gisant à l’identique. »
Pourtant, quand le robot aura terminé son programme de travail, il subsistera volontairement une légère surépaisseur de matière sur la reproduction qui permettra de terminer cette sculpture à la main pour plus de réalisme.
Loïc Maillard, patron de cette entreprise de 5 générations, l’a bien compris, « il ne s’agit pas de perdre les techniques ancestrales, mais de les transmettre en les adaptant avec les nouvelles technologies. »
Pour des raisons techniques, la reproduction du gisant ne fera pas exactement la même dimension. Actuellement de 2,20 m, elle sera d’ 1,80 m « avec le respect d’échelle. »
Être gardien de la mémoire
Cette opération (dont le montant reste confidentiel) est financée en partenariat avec Héritage Littoral, le Conseil Départemental, Saint-Malo Agglomération, la ville de Saint-Malo, le député Gilles Lurton et du mécénat.
Alors, après cette copie du gisant, d’autres sculptures de l’abbé Fouré seront- elles elle aussi reproduites par cette nou- velle technologie ? En tout cas, c’est ce que souhaiterait Joëlle Jouneau, un peu à l’image de Lascaux.
Une question reste cependant à l’étude, celle de trouver un futur emplacement pour exposer cette copie du gisant « car il ne s’agit pas de remplacer celui de la Pointe du Christ » , mais bien de conserver un témoignage de l’oeuvre de l’abbé Fouré « qui est immanquable- ment appelée à disparaître » constate Pascale Tumoine.
Le temps est donc venu « de faire quelque chose pour garder la mémoire de ce site » lance Béatrice Duguépéroux-Honoré, conseillère départementale déléguée à la lecture publique et aux archives départementales.