Une apprentie harcelée par son patron
Le gérant d’une boulangerie de Dinan comparaissait jeudi 26 janvier devant le tribunal de Saint-Malo pour harcèlement moral et sexuel sur son apprentie de 17 ans.
Tout juste arrivé à la gérance de la boulangerie familiale, le jeune patron s’est montré d’humeur taquine envers une jeune femme venue faire son apprentissage dans la vente. De propositions sexuelles en propos graveleux, le patron a « davantage été à l’écoute de ses hormones que de sa conscience professionnelle » estime le procureur de la République.
Avec seulement 7 ans de plus que ses apprenties, même son avocat le reconnaît : « Il n’est pas assez mature pour être patron » . Alors à 22 ans, les miches de pain et le gland comme pâtisserie le font rire, et il en fait profiter tout le monde. L’apprentie qui a porté plainte, ça ne l’a manifestement pas beaucoup amusée. « Si tu veux une boule de pain, viens t’asseoir sur mes genoux ! » , « On va faire l’amour dans les bois de Corseul ? » étaient devenus son pain quotidien. Le patron envoyait des sms tendres « Bonne nuit Chouquette » , et offrait des cadeaux. Elle a demandé à ce que ça s’arrête. « Je lui ai dit que ce n’était pas possible parce qu’il était mon patron. » Et d’après les dires de la victime, il n’aurait pas aimé.
Vexé d’être repoussé, le jeune homme serait passé du harcèlement sexuel au harcèlement moral, en infligeant à la jeune fille des journées avec de multiples petites coupures, et en lui demandant « toutes les tâches ingrates » . Le ménage était sans cesse bon à refaire, les vitrines à nettoyer. « Il regardait toujours mon décolleté quand je lavais les vitres et menaçait de me faire travailler tous les dimanches si je n’allais pas déjeuner avec lui » a déclaré l’apprentie aux enquêteurs.
L’avocat du boulanger Me Rivière s’indigne le jour de l’audience : il n’y a pas de preuves. « C’est parole contre parole » dit-il. Et puis, la jeune fille aurait été « aguicheuse ».
Sauf que deux autres jeunes apprenties font état des mêmes « blagues » un peu trop osées. Sa réputation de dragueur se répand dans l’école. Le CFA d’Aucaleuc intervient, lui demandant de surveiller son comportement. Et l’inspection du travail lui tombe également dessus. Mais les rappels à l’ordre restent vains, attisant plutôt l’animosité envers le CFA. Au bout du compte le 5 février 2016, le préfet des Côtes d’Armor prend une décision d’opposition à l’engagement d’un apprenti.
Mais pour le gérant, pas de quoi fouetter un chat : ses comparaisons graveleuses entre une baguette et son sexe n’étaient décidément qu’humour. Gwenaël Gargam, le procureur, ne rit pas beaucoup non plus : « On est en train de nous dire que nous ne serions pas accessibles au second degré… »
Après délibération, le tribunal a estimé que le harcèlement moral n’était pas suffisamment caractérisé et a relaxé le boulanger. Jugé coupable de harcèlement sexuel, le jeune gérant a été condamné à 3 mois de prison avec sursis et une amende de 300 €. Il devra verser à la victime, qui s’est depuis reconvertie dans le milieu hospitalier, « dégoûtée de la vente » dit-elle, 2100 € de dommages et intérêts.
« Bonne nuit chouquette » « Il regardait toujours mon décolleté »