Le Pays Malouin

Opération sauvetage de la forêt domaniale

Depuis l’été 2014, l’Office National des Forêts s’est lancé dans un vaste chantier d’abattage d’arbres. Pas question de dépouiller la forêt pour autant. Mais plutôt de la sauver.

- Sophie LE NOËN

C’est un minuscule insecte de 2 mm. À lui tout seul et avec ses larves, il tue silencieus­ement mais sûrement des hectares entiers d’épiceas de sitka. Il s’appelle le dendrocton­e et il nous arrive de l’Europe de l’est. Depuis 8 ans, il sévit en Bretagne. Dernièreme­nt il a décidé de coloniser la forêt domaniale de Coëtquen à Saint Helen. De Saint Pierre de Plesguen aux Champs Géraux, il pond et remonte l’arbre, jusqu’à empêcher la sève de couler. Patatras, l’arbre se meurt.

Le problème, c’est que le dendrocton­e se propage dans une forêt aussi vite que la grippe dans nos maisons : un arbre malade et c’est la parcelle entière qui est contaminée. « Quand un seul est attaqué, tout le monde y passe ! » se navre Régis Audouin, le forestier de Coetquen. « Il n’y a pas du tout d’espoir… » . Un espoir auquel il est douloureux de renoncer : car le dendrocton­e coûte cher. Alors qu’un arbre sain devient bois d’oeuvre, pour de beaux meubles dans vos cuisines, un arbre malade finit en bois d’énergie, dans les chaudières. Ce n’est plus la même qualité, ni le même prix de vente.

« On ne rase pas pour le plaisir ! »

Aux grands maux les grands remèdes, l’ONF a sorti le bistouri pour venir à bout de son insecte meurtrier.

Elle a élaboré un plan de gestion, sur 15 à 20 ans, qui tient compte de tous les enjeux de la forêt, afin de garantir une gestion durable des massifs forestiers. Sur les 90 ha à dépeupler, 40 sont déjà démantelés. Une « coupe rase » d’été. L’hiver est peu propice à ce genre de travaux : « En décembre, janvier et février, les terres sont trop humides, le chantier crée des ornières. » Régis et son équipe y vont piano mais sano : « On n’a pas voulu tout couper en même temps. On a exploité en priorité les parcelles les plus attaquées. »

Avant cela, il y a eu une lutte préventive biologique. Régis a lui-même introduit un « prédateur » , un coléoptère, pour tenter de couper court à l’invasion. Mais ces lâchers ne permettent que de limiter l’impact du dendrocton­e à moyen terme. Les dégâts demeurent importants et irréversib­les.

Du coup, le forestier est passé à la guerre froide curative : par un système de points marqués sur l’arbre, les agents peuvent suivre l’évolution de l’épidémie. Si la mortalité est jugée importante et l’attaque trop virulente, il est décidé d’abattre les arbres des zones infestées. Quatre points marqués sur un tronc et la décision est sans appel : l’arbre ira droit dans la cheminée. Et entraînera tous ses voisins, même d’apparence sains, dans sa chute.

La sanction peut paraître cruelle mais la récolte des bois avant leur dégradatio­n inéluctabl­e permet surtout de ne pas les perdre. Si on tarde trop à exploiter l’épicéa sitka, il sera contaminé à son tour et on ne pourra plus rien en tirer. Mais Régis tient à le préciser : « On ne rase pas pour le plaisir. »

Une forêt à cicatriser

Le paysage en forêt de Coetquen peut donc paraître légèrement dénudé. Et ça inquiète les promeneurs. « Quand on n’est pas venus depuis longtemps, on peut être surpris ! » comprend l’agent patrimonia­l. Alors il veut expliquer.

Pour sûr, la cicatrisat­ion sera longue. Régis Audouin le dit avec le sourire : « Ça ne pousse pas comme du maïs ! » C’est le prix à payer pour sauver la forêt. Les plantation­s nécessiten­t des interventi­ons pendant plusieurs années. Il faut attendre 2 à 3 ans après la coupe rase pour pouvoir replanter sur la parcelle. « Si on reboise tout de suite, ça va être corrodé par un champi- gnon. »

C’est chose faite depuis novembre sur l’une d’entre elle. Ainsi observe- t- on ( et il faut avoir l’oeil !) des petits plants de chênes. Pour 3 hectares, c’est 3500 plants, à 60 centimes le plant. Un tous les 2 mètres !

Rendez-vous est donc pris, d’ici une petite trentaine d’an- nées, avec des chênes qui ne seront sans doute pas encore bien grands, mais qui donneront tout de même une ambiance un peu plus feuillue au paysage. Quant au dendrocton­e, il a du souci à se faire : Régis et son équipe ne le laisseront pas passer.

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