Le Pays Malouin

Bébé secoué : que s’est-il passé?

- N.E.

Les faits d’abord. Le 3 novembre dernier, un bébé de 3 mois est admis aux urgences de l’hôpital Pontchaill­ou de Rennes. Il est pris de convulsion­s et les médecins remarquent d’emblée deux hématomes sur la face et l’oreille. De plus amples examens laissent apparaître tous les symptômes d’un enfant victime du syndrome du bébé secoué. Heureuseme­nt, les soins médicaux permettron­t d’éviter des séquelles… Immédiates en tout cas, car celles-ci peuvent apparaître plus tard.

Un couple qui bat de l’aile

Forcément, les parents sont suspectés. Il s’agit d’un jeune couple. A ce moment-là, l’homme est âgé de 27 ans, sa compagne de 23 ans. Si au début, leur histoire d’amour semblait bien partie, il y avait depuis quelque temps de « l’eau dans le gaz ».

La jeune femme reproche à son compagnon de trop boire et de ne pas travailler. De son côté, l’homme estime que sa com- pagne, « le pousse à bout ». Des disputes éclatent régulièrem­ent et elles semblent se terminer souvent de manière violente. Lui déclare que les violences sont mutuelles. Elle, explique qu’elle ne fait que se défendre.

L’une de ces disputes apparaît dans le dossier : alors qu’ils sont en voiture, il lui donne un coup. Sachant qu’elle va accoucher dans quelques jours…

Ces disputes violentes ne cessent pas après la naissance du petit garçon. Même si tous les deux s’accordent pour dire qu’ils s’occupent chacun convenable­ment et équitablem­ent de l’enfant.

Ce matin du 3 novembre 2016, est-ce donc une de ces disputes qui a mal tourné ? Il semble en tout cas s’être passé quelque chose… Par contre, sur les circonstan­ces exactes, chacun des parents apporte une version très divergente.

Une dispute qui tourne mal ?

Le président Guillaume Bailhache fait remarquer que la veille, l’homme a encore beaucoup bu, à l’occasion d’un apéritif avec un voisin.

Le lendemain matin, la jeune femme s’occupe de son fils pendant que son compagnon dort encore. Elle déclare alors n’avoir rien remarqué. Ensuite, elle part pour un rendez-vous à 9h30. Elle revient à 10h30. En changeant son fils, elle remarque alors un bleu au visage. Elle explique qu’une nouvelle dispute éclate : « Je voulais savoir ce qu’il s’était passé avec mon fils ».

Elle déclare que son compagnon s’en est pris à elle, alors qu’elle avait son fils dans les bras. Elle évoque notamment qu’il la tire par les cheveux, alors qu’elle s’apprête à le remettre dans son lit et qu’à ce moment la tête de l’enfant n’est plus retenue.

Lui, déclare que c’est parce qu’elle a appelé sa mère, pour savoir ce qu’il fallait faire pour l’enfant, qu’il s’est énervé. De plus, il n’avait pas remarqué le bleu jusque- là. Par contre, il explique qu’il s’est levé pour donner le biberon à son fils, alors que sa compagne était absente, et qu’il a remarqué qu’il le buvait lentement : « Je ne m’étais pas inquiété plus que ça car il avait tout bu, mais je lui en ai parlé quand elle est rentrée ». Pendant la dispute, il n’évoque aucun geste vis-à-vis de l’enfant, et que c’est elle qui cherchait à le taper avec l’enfant dans les bras.

Des questions sans réponse

On n’en saura pas plus. Suite au signalemen­t des médecins, l’enfant va être placé. Une instructio­n va commencer et au fil des auditions, les versions de chacun vont varier. Une seule fois, ils s’accorderon­t, mais pour donner une fausse explicatio­n : que la jeune femme était tombée dans l’escalier avec le bébé. Tous deux admettront ensuite que c’était faux. La jeune femme précisera que c’est lui qui lui a ordonné de dire cela « pour qu’ils nous laissent tranquille­s ». Pendant l’instructio­n, il se montrera aussi menaçant envers elle, via des SMS. De plus, on apprend que peu de temps après l’hospitalis­ation de l’enfant, il a consulté un site internet sur le syndrome du bébé secoué et ses conséquenc­es judiciaire­s.

Pour la procureure, les débats n’ont pas livré la vérité sur ce qui s’est passé. Cependant, elle estime qu’un faisceau d’indices désigne le compagnon coupable des violences. Elle met en avant sa personnali­té et parle aussi « d’un côté manipulate­ur. Il sait être flatteur, puis, quand ça ne marche pas, il passe aux menaces. Aujourd’hui, il ne fait que la charger ».

Me Fillion, qui défend la jeune femme, insiste sur un point : « Tous les spécialist­es le disent, le secouement provoque immédiatem­ent des symptômes. Or, ma cliente a toujours dit que c’est lorsqu’elle est revenue de son rendez-vous qu’il y avait un problème. C’est elle qui appelle les pompiers ». Quant aux déclaratio­ns variables de la jeune femme, il estime que celles-ci sont d’abord le résultat des pressions de son désormais ex-compagnon.

Pour l’avocate du père, Me Garnier, « les faits sont très compliqués à définir ». Elle fait aussi remarquer que les examens médicaux sur l’enfant ont révélé des hématomes plus anciens que ceux repérés au moment des faits. Des secousses ont donc pu être perpétrées antérieure­ment au 3 novembre, et par d’autres personnes que son client. « Les médecins disent que la dispute a pu provoquer les convulsion­s, dans la mesure où il existait déjà des hématomes ». Pour l’avocate, les torts sont donc partagés et surtout, elle estime que rien ne démontre des violences volontaire­s.

Le tribunal va en décider autrement. Il relaxe la jeune femme, faute de preuves suffisante­s. Le père, lui, est condamné à trois ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve.

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