Le blé noir refait surface en Pays de Rance
Concilier ce qui est bon pour l’économie locale et la biodiversité, tout en garantissant une juste rémunération aux agriculteurs. C’est tout le sens du projet de territoire mené autour de la culture du sarrasin (ou blé noir), à Pleudihen.
C’est une culture bretonne ancestrale qui refait surface sur les bords de Rance. Entre avril et octobre 2016, neuf agriculteurs de Pleudihen, un autre de la Vicomté, ont semé 35 hectares de blé noir. Et permis de produire 24 tonnes de farine. Ainsi a débuté, sous les meilleurs auspices, le « projet d’économie vivante sur le blé noir en Pays de Rance ».
Economie vivante ? C’est, en substance, un modèle qui garantit une juste répartition de la valeur ajoutée entre tous les acteurs impliqués (en l’occurrence, un prix d’achat garanti est négocié avec les agriculteurs). Elle se distingue de « l’économie financière », explique Patrice Valantin. Celle-là a quasiment fait disparaître la culture du sarrasin en Bretagne *. Résultat : la région importe 70 % de ses besoins de l’étranger.
Au sein de la société rennaise Reizhan, Patrice Valantin se définit comme un « facilitateur », « un systémiseur ». De sa rencontre avec David Boixière, aujourd’hui maire de Pleudihen mais à l’époque directeur général des galettes Bertel, est née la volonté de créer cette filière locale pour l’approvisionnement en sarrasin. Mais pas n’importe comment, donc. La démarche associe, outre Reizhan et l’entreprise Bertel Galettes, le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise Côte d’Emeraude, une entreprise de conseil en agriculture indépendante, Ter-Qualitechs, des apiculteurs et la Minoterie de Roncin (56).
« Nous sommes en train de nous réapproprier une culture bénéfique pour l’ensemble du territoire », résume David Boixière, persuadé qu’il est possible - et même indispensable - de « faire rimer économie et écologie ».
Sans pesticides
Pour cela, le blé noir a bien des vertus. Robuste, « la plante n’a besoin d’aucun intrant ». Ni engrais, ni pesticides. Elle se plaît sur des terres pauvres ou riches. Elle est en fleurs les deux mois d’été, offrant ainsi de jolies perspectives dans le paysage. C’est tout bon pour les touristes, mais aussi pour les apiculteurs et leurs abeilles…
Le bilan, dressé avec les agriculteurs, est prometteur. La plupart sont partants pour recommencer à semer du blé noir. Et d’autres vont les rejoindre. En 2017, 120 hectares seront cultivés par une vingtaine d’exploitants sur le territoire du futur Parc Naturel Régional Rance Emeraude.
En attendant de les voir fleurir, Pleudihen a déposé une candidature pour bénéficier du programme d’investissement d’avenir lancé par l’Etat. On saura en juin si le territoire est retenu comme « site pilote pour la reconquête de la biodiversité ». A la clé, une aide potentielle de 700.000€ qui pourrait donner un gros coup d’accélérateur au projet.
Celui-ci pourrait s’étendre « à d’autres cultures oubliées », évoque Patrice Valantin. Et se prolonger par une marque - dont les contours restent à définir - qui s’appellerait Vivaterr (pour « Vie Valeurs Territoire »). D’ici là, rendez-vous jeudi 18 mai : à 20 heures, au cinéma le Vauban 2 à Saint-Malo, le film « Qu’est-ce qu’on attend ? » (sur la transition écologique) sera suivi d’un échange sur le projet blé noir, avec le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise Côte d’Emeraude.
Bernadette RAMEL
* De 370.000 hectares de sarrasin dans les années 1900, la production bretonne est tombée à quelques centaines d’hectares en 1980. En 1987, une filière s’est structurée, jusqu’à l’obtention, en 2010, une indication géographique protégée (IGP). Elle concerne 400 producteurs, pour environ 3.300 hectares (chiffres 2016). A noter que Bertel Galettes comme les Galettes de Pleudihen s’approvisionnent à 100 % en France depuis plusieurs années, selon David Boixière.