Marine Le Pen à Dol : les coulisses d’une visite polémique
Des dizaines de caméras, mais aussi un soutien gênant, des manifestants anti-FN et des oeufs qui la prennent pour cible : Marine Le Pen faisait campagne à Dol, jeudi dernier, où elle était accueillie par le transporteur Guisnel. Reportage.
Visite surprise de Marine Le Pen à Dol, jeudi dernier. Ses équipes n’ont fait savoir que la veille au soir, au moment même où elle allait débattre avec Emmanuel Macron, que la candidate d’extrême-droite serait « dans les environs de Dol » le lendemain.
Mais où ? Le lieu exact de sa visite n’a été dévoilé que le jour même, le 4 mai. « On a été démarché par ses équipes il y a quelques semaines. On a accepté tout de suite. Puis on a attendu d’avoir la confirmation de sa visite avant d’en parler aux salariés ce matin, juste avant qu’elle n’arrive », raconte Yann Guisnel, le patron de l’entreprise doloise qui l’a accueillie.
Le fils du fondateur des transports Guisnel et pdg de la société explique que ses salariés n’ont pas été choqués « d’accueillir Mme le Pen » et qu’ils ont, dans l’ensemble, bien compris les raisons de sa visite (1).
« Notre profession rencontre des difficultés, surtout depuis une dizaine d’années. On croule sous les charges et les taxes. Nous ne sommes pas compétitifs par rapport à d’autres sociétés étrangères qui n’ont pas la même législation. Nous l’accueillons pour parler de nos problèmes », explique le patron dolois pour justifier la venue de la candidate d’extrême-droite dans son entreprise.
Marine Le Pen est arrivée peu avant 13h30 devant le siège de l’entreprise. Pas d’élus locaux pour l’accueillir mais une foule de micros et caméras l’attendent. Des supporteurs aussi. Dont certains soutiens a posteriori gênants à l’image de Catherine Blein, conseillère régionale FN investie pour les législatives dans les Côtes-d’Armor, qui a été suspendue de son parti le lendemain, après avoir tenu des propos islamophobes et homophobes…
« Nous l’accueillons pour parler de nos problèmes » « Le Pen, on ne veut pas de toi »
Devant l’entrée de l’entreprise, l’ambiance devient soudain électrique. Aux cris de « Marine dégage », « la Bretagne sans fachos » et autres « Le Pen, on ne veut pas de toi », Marine le Pen est copieusement huée par des manifestants qui viennent de faire irruption sur le parking. Des oeufs jaillissent de la foule et atteignent quelques journalistes et militants frontistes qui entourent la candidate. Protégée sous une veste tendue par un membre de son service d’ordre, Marine Le Pen n’est pas touchée. Son hôte Yann Guisnel voit, lui, un oeuf s’écraser sur son épaule. Le cortège s’engouffre aussitôt dans le hall du transporteur dolois. Dehors, les manifestants très remontés, mais non-violents, sont tenus à l’écart par des renforts de gendarmerie dépêchés sur place.
C’est parti pour une visite d’une heure et demie. Après s’être longuement entretenue avec Yann Guisnel, Marine Le Pen se rend dans les ateliers, serre des mains, pose avec quelques salariés, fait des selfies. On lui met un enfant qui sait à peine parler dans les bras. La communication est bien huilée.
Marine Le Pen se prête au jeu des photographes et cameramen en prenant place sur le siège passager d’un poids lourd de 44 tonnes. Un chauffeur s’installe à ses côtés et conduit la candidate d’extrême droite pour une petite virée sur le parking de l’entreprise.
Il est bientôt 15h. L’heure pour Marine Le Pen de quitter la Bretagne pour la Picardie, prochaine étape de sa campagne présidentielle.
Elle laisse derrière elle un Yann Guisnel « satisfait » de cette rencontre durant laquelle le chef d’entreprise dit avoir eu à faire « à quelqu’un qui était à l’écoute ».
Quant à savoir si cette visite peut s’avérer négative pour son business, Yann Guisnel dit « ne pas en craindre »
« Il faut savoir faire preuve d’ouverture, cette visite n’est pas un affichage politique, poursuit-il. L’objectif est de faire comprendre que la profession est menacée et que des emplois en dépendent. Nous recevons des hommes politiques de tous bords. M. Macron, s’il le souhaite, sera également le bienvenu ». les conséquences.
« Européen convaincu », dit-il encore, il ne savait toujours pas, jeudi dernier, à qui il allait « donner [sa] voix dimanche ». Peut-être que Gilles Pennelle, responsable du groupe Front National au Conseil régional, qu’il tutoie et qu’il appelle par son prénom, en a une petite idée…
Samuel SAUNEUF (1) Selon un article du Point, plusieurs salariés, dont des cadres, ont, au contraire, refusé d’accueillir Marine Le Pen. « Face à notre refus, il a explosé. Il nous a qualifiés de lâches à plusieurs reprises », ont rapporté ces mêmes salariés au Point. fr se disant « choqués de la réaction de leur propre dirigeant ».
« M. Macron, s’il le souhaite, sera également le bienvenu »