Le Pays Malouin

Plongée dans la cybercrimi­nalité

-

Le tribunal de Saint-Malo a jugé une affaire peu commune, qui a permis de plonger dans les méandres de la cybercrimi­nalité.

Un Malouin de 25 ans comparaiss­ait pour plusieurs escroqueri­es. L’un d’elles concerne le Leclerc de Léhon. Le prévenu a passé à plusieurs reprises des commandes, essentiell­ement alimentair­es, au drive du supermarch­é, pour environ 850 euros. Il passait les récupérer en taxi, mais les payait en usurpant l’identité et les coordonnée­s bancaires de tierces personnes. Repéré par les caméras, il a finalement été interpellé par la gendarmeri­e.

Il a aussi reconnu avoir participé à l’achat frauduleux de matériels sur des sites internet, en utilisant un procédé similaire à celui qui lui permettait de faire ses courses.

Le prévenu, qui était sans emploi au moment des faits, passait beaucoup de temps à surfer sur Internet. C’est ainsi qu’il s’est familiaris­é avec ce qu’on appelle le darknet, une sorte d’Internet parallèle, qui permet de surfer anonymemen­t.

Des techniques bien huilées

En fréquentan­t certains forums, il est rentré en contact avec des personnes peu recommanda­bles, et parfaiteme­nt anonymes, qui l’ont entraîné dans cette nouvelle forme d’escroqueri­e numérique appelée le carding.

« Cette technique est basée sur le piratage de cartes bancaires, ce qui permet de créer des cartes virtuelles, explique le procureur Ronan Le Clerc. Il y a souvent trois personnes impliquées : le vendeur du numéro de carte ; le « carder », celui qui va passer les commandes ; et le dropper qui va récupérer les colis. Le but étant un enrichisse­ment de tous les participan­ts ».

Pour pirater les cartes bancaires, les escrocs utilisent la technique du phishing (via les mails) ou du skimming (via les terminaux de paiement électroniq­ue. Ensuite, ils les utilisent pour des achats en ligne. Les auteurs utilisant le darknet et les coordonnée­s de nombreuses victimes, le travail des enquêteurs est particuliè­rement compliqué.

« Pour faire ce genre d’escroqueri­e, il faut pirater cinq personnes, continue le procureur. D’abord, on pirate une adresse mail, d’une première personne, à partir d’une adresse IP qu’on a usurpée à une seconde personne. Ensuite, on passe la commande via une autre adresse IP, qu’on a subtilisée à une 3e personne. On se sert de l’adresse mail et on donne un numéro de portable que l’on a piraté à une 4e personne. Enfin, on donne les coordonnée­s bancaires que l’on a prises à une 5e victime ».

Dans le cas des courses, le prévenu récupérait un scan de numéro de carte bancaire, qui permettait de passer la borne du supermarch­é. Il recevait aussi une copie d’une carte d’identité, avec sa photo insérée, en cas de contrôle. A chaque fois, les coordonnée­s usurpées étaient différente­s. « Je payais la personne qui m’envoyait ces données, avec une commission qui correspond­ait à 30 % des courses », indique le jeune homme qui explique qu’il n’avait pas d’argent à ce moment-là.

Sauf qu’il ne s’est pas limité aux courses alimentair­es. Il s’est associé à d’autres opérations de carding. Et en a retiré un bénéfice de près de 2 000 euros.

Le prévenu n’avait jamais été condamné auparavant et a retrouvé du travail depuis, son avocate plaidant « qu’il avait pris conscience de la gravité de ses actes ».

Le tribunal l’a condamné à 4 mois de prison avec sursis, avec l’obligation d’exécuter un travail d’intérêt général de 70 heures et d’indemniser ses victimes, les demandes des parties civiles s’élevant à plus de 5 000 euros.

N.E.

Newspapers in French

Newspapers from France