Cinq ans et demi en poste à l’hôpital, et plus rien : le désarroi de Blandine

A 57 ans, Blandine occupait un même poste de secrétaire médicale à l’hôpital de Saint-Malo depuis cinq ans et demi. Alors que tout indiquait qu’elle deviendrait titulaire de ce poste, tout a basculé. Et elle a tout perdu, se retrouvant à Pôle Emploi. Récit.

Elle s’appelle Blandine Ardoin. Elle a 57 ans, et elle est maman d’un enfant handicapé âgé de 21 ans, souffrant d’une maladie génétique orpheline qui l’a contraint à mettre sa carrière de côté. « Mais nous avons pu éviter qu’il soit en fauteuil », souligne-t-elle avec fierté.

Elle travaille à l’hôpital en tant que secrétaire médicale depuis 2005. Enchaîne les remplacements, ce qui lui convient bien, compte tenu de sa situation familiale. Lorsque son mari, cadre à l’hôpital atteint l’âge de la retraite en 2014 et peut prendre son relais auprès de leur fils, elle souhaite voir les choses changer. Elle est depuis 2011 sur le même poste : secrétaire médicale en addictologie. Et ça se passe vraisemblablement plutôt bien, à en croire l’évaluation de son chef de service en janvier 2016. A tel point que le 50 % est en passe de se transformer en 80 %, ce dont Blandine se réjouit. Entretien le 17 août dernier. Entretien concluant devant trois personnes, dont un cadre supérieur de santé et son cadre administratif où on lui signifie que le poste lui reviendra.

Mais commence alors une insoutenable et angoissante attente : les choses n’arrivent pas.

Elle en perd le sommeil

Les semaines, les mois passent. Octobre arrive. Toujours rien de précis. Alors, son inquiétude est à son comble. Elle en perd le sommeil. Elle est stressée. Elle cherche à comprendre, envoie des mails pour en savoir plus, et interroge sa responsable hiérarchique lors d’une réunion du 8 novembre : au lieu de lui dire ce qu’il en est, la réaction sera inverse : « Ras le bol ! ». Ses interrogations fatiguent. A bout, Blandine est arrêtée par son médecin le lendemain. Pendant son arrêt maladie, son poste est mis en vacance, et ouvert aux postulants… L’apprenant, elle pourra quand même postuler à temps.

En janvier, 10 candidats sont reçus. Elle sent, sans comprendre, qu’elle a perdu. « J’ai passé cet entretien, mais j’étais anéantie. Je m’étais projetée, et tout semblait sur des rails pour que ce poste me soit attribué », confie-t-elle.

Au lendemain de cet entretien, elle est examinée par un psychologue du travail, en l’absence de médecin du travail à l’hôpital, qui diagnostique « une dégradation de la santé physique et psychique en lien avec son environnement de travail ». Le 31 janvier, son contrat de travail, le dernier CDD qui était toujours en cours prend fin. Fin de l’histoire à l’hôpital pour Blandine.

« Depuis, je suis à Pôle Emploi », raconte Blandine Ardoin. « C’est dur. La première fois, je me suis effondrée dans le bureau. J’ai 57 ans. Je veux travailler. Mais qui me donnera ma chance ? J’ai voulu témoigner pour dire la dureté de la situation pour les contractuels à l’hôpital. Je sais que pour moi c’est foutu. Les jeunes n’osent pas parler, ils espèrent toujours pouvoir y obtenir un poste ».

Le syndicat majoritaire à l’hôpital Sud Santé s’en offusque. « C’est la double peine : elle ruine sa santé, et se retrouve à Pôle Emploi ! A six mois près, puisqu’au bout de six ans les CDD doivent se transformer en CDI à l’hôpital, elle a tout perdu. Cinq ans et demi de bons et loyaux services sont ainsi récompensés ! A l’hôpital, les contractuels sont corvéables à merci. C’est bosse et tais-toi », dénoncent-ils. « Si elle avait eu ce poste à 80% comme on le lui avait promis, elle aurait pu être titularisée. On peut se demander si Blandine Ardoin n’a pas fait les frais d’un traitement particulièrement défavorable », déplorent-ils.

Soutenue par le syndicat, Blandine a tenté de négocier, et d’obtenir un autre poste au sein de l’hôpital. Elle a également entrepris un recours gracieux visant à récupérer ce poste ; en l’absence de réponse de la direction, deux recours vont être déposés devant le tribunal administratif.

V. DAVID