Le Pays Malouin

Le malade d’Alzheimer est accusé de vol dans une supérette d’Intra-Muros

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Souffrant d’Alzheimer, l’homme âgé de 79 ans avait pris pains au raisin et glace dans une supérette d’Intra-Muros rue Sainte-Barbe. De retour chez lui, sa femme stupéfiée découvre en sa possession une déclaratio­n de vol qu’on lui a demandée de signer, et qui va être adressée au procureur… Récit.

Ce samedi-là, le couple âgé malouin se promène Intra-Muros. Elle fait ses courses, il l’accompagne. Agé de 79 ans, il souffre d’Alzheimer. Il en est à ce stade douloureux où il n’a plus vraiment conscience, ni souvenir, de certains de ses actes. Alors ce jour-là, il entre dans une supérette d’Intra-Muros, et, voyant pains au raisin et glace, il se sert.

Pour un montant de 11,40 euros

Stoppé par la direction de l’établissem­ent, on va lui faire signer une reconnaiss­ance de vol, pour un montant de 11,40 euros, destinée au procureur de la République, où il est précisé que le magasin porte plainte contre lui.

Sa femme, la découvrant, est effrayée. Elle s’empresse alors de retourner au magasin d’Intra-Muros. Elle veut expliquer, s’excuser, et régler le dû engendré par la maladie de son mari. Seulement, sur place, les choses ne se passent pas si bien que ça. Et c’est humiliée, et blessée plus encore qu’elle repartira du magasin.

C’est l’associatio­n France Alzheimer, qui a tenu à nous le rapporter. « Il y a du monde dans le magasin, ainsi que des caissiers. On ne lui donne pas l’occasion d’expliquer en toute discrétion, le directeur ne lui proposant pas de la recevoir dans son bureau. Alors même qu’elle explique que son mari souffre d’Alzheimer », exposent les représenta­nts de l’associatio­n France Alzheimer 35.

L’associatio­n a alors envoyé un courrier d’incompréhe­nsion au directeur de l’établissem­ent, exprimant le malaise de l’épouse. En guise de réponse, un mail où, loin de s’excuser, le directeur explique « qu’il paye son loyer, la marchandis­e, les salariés… Je suis donc ferme lorsqu’il y a un vol dans mon magasin, qu’il s’agisse d’un mineur ou d’un majeur ».

C’est principale­ment cette dureté, et cette absence d’incompréhe­nsion totale, que l’associatio­n France Alzheimer récuse. D’où sa volonté de raconter, dans le but que les faits, douloureux, puissent peut-être servir à d’autres : « Si cela pouvait faire comprendre à ce monsieur que l’indulgence est peut-être de mise pour ces malades d’Alzheimer », explique-t-il. Avant de poursuivre : « A certains moments, et pour ce monsieur c’est en permanence, un malade ne reconnaît pas le matin de l’après-midi, peut se perdre dans le quartier… Il est fréquent de ne pas avoir conscience de ce que l’on fait. C’est évidemment très dur pour les aidants, qui ont fait le choix de se mettre au service de l’autre pour que la vie continue malgré tout ».

Contacté, le directeur du magasin a mis en avant « qu’il ne pouvait pas savoir que le malade souffrait d’Alzheimer ». Il argue que le monsieur est venu « cinq fois dans le magasin, il prend un ou deux biscuits, il en remet, il ne prend même pas tout, et n’avait pas d’argent sur lui ». Avant de préciser : « Nous avons des vols tous les jours, nous ne sommes pas formés pour gérer ce genre de situation ; en psychologi­e, je n’y connais pas grand chose ». Et insiste : « Je suis désolé de blesser cette dame, mais je ne peux tout de même pas m’excuser de me faire voler ! Je sais que c’est très compliqué, mon grand-père souffrait d’Alzheimer, il a été hospitalis­é ; à ce que je sache, il n’a jamais volé ».

L’associatio­n France Alzheimer 35 sait qu’« à ce stade de la maladie, ce sont des faits qui peuvent se produire » ; « mais certains commerçant­s le comprennen­t très bien : chaque fois, les choses se règlent en douceur. C’est la première fois qu’on a connaissan­ce d’un cas comme celuilà », a-t-elle précisé.

V.D.

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