Trafic de cannabis rocambolesque entre Dinard et Jersey
Mercredi 12 juillet, la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes (JIRS) a condamné sept hommes à des peines allant de 1 an de prison avec sursis à 8 ans de prison ferme pour un trafic de cannabis entre Dinard et Jersey.
Entre 2013 et 2015, plus de 200 kg de cannabis sont partis de la région de Dinard à destination de Jersey, à bord de divers bateaux loués sur la côte bretonne. Après plusieurs naufrages les semaines précédentes, les livreurs ont été interpellés en flagrant délit à leur débarquement à Jersey le 17 juin 2015 avec une cargaison de 62 kg.
De lourdes peines
Oliver, un Jersiais de 30 ans, a été reconnu coupable de l’organisation du trafic trans-manche et condamné à 8 ans de prison. Il avait déjà purgé 5 ans de prison entre 2009 et 2013 à Jersey pour des faits similaires. Alexander, un autre jersiais en cavale, écope de 6 ans de prison et d’un mandat d’arrêt européen. Deux Malouins prénommés Emmanuel, déjà incarcérés à Jersey pour des faits similaires sont condamnés à trois ans et quatre ans de prison. Leurs peines sont confondues aux peines anglaises où ils termineront de purger leur sentence. Quant à Richard, un Hollandais convoyeur du cannabis depuis les Pays-Bas, il est condamné à quatre ans de prison. Enfin, deux autres hommes à l’implication mineure sont condamnés à un an de prison avec sursis.
Une histoire rocambolesque
À sa sortie de prison en 2013, Oliver Lucas reprend le trafic de cannabis qu’il avait commencé quelques années auparavant. À Jersey, le prix de revente de la drogue est bien supérieur à celui sur le continent. Il travaille avec une filière espagnole mais la vedette qu’il avait louée à La Ville-es-Nonais s’échoue aux abords de l’île de Sark. Quarante kilos de cannabis sont perdus et il contracte une dette auprès de ses fournisseurs. De retour en Espagne, il est kidnappé et séquestré dans le coffre d’une voiture qui fera la route jusqu’à Plédéliac. C’est la police judiciaire de Rennes, à l’appel des services des douanes qui surveillaient le trafic, qui viendra le récupérer. Passé à tabac par ses ravisseurs, il est sauvé de justesse.
Le cannabis coulé dans le béton
Le trafic ne s’arrête pas pour autant et le « business » redémarre, avec des fournisseurs hollandais. Les pains de cannabis sont coulés dans du béton et balancés en mer comme des corps-morts, puis récupérés en bateau, au moment opportun, grâce à une localisation par GPS. Malheureusement, ces « marins d’eau douce » comme les appelle le juge, ont des difficultés à récupérer leur marchandise. Ils échouent à plusieurs reprises, emmêlent les bouts dans les hélices des zodiacs loués à Erquy ou Saint-Malo et doivent même faire appel aux sauveteurs en mer pour les sortir de ces mauvaises passes.
« Stress post-traumatique »
Finalement, c’est le 17 juin 2015 qu’ils sont interpellés en flagrant délit à Jersey, alors qu’ils débarquent un chargement de 62 kg de cannabis. Oliver Lucas, peu loquace, ne fera jamais d’autres déclarations que des « no comment », « pas de commentaire », en garde à vue et devant le juge d’instruction. Devant la perspective des 10 ans de prison requis par l’avocat général, il finira par reconnaître le trafic à l’audience où il se présente sans avocat. « Souffrant d’un important stress post-traumatique depuis son enlèvement et présentant une grande méfiance vis-à-vis de la justice », comme l’a décrit l’expert psychologue, il explique son silence par « une règle qu’il s’est fixée depuis une dizaine d’années de ne jamais parler à la police ou à la justice ».
Une amende de 605 000 euros !
« Quand je quitterai la prison, je veux mener une vie normale et fonder une famille », a-t-il déclaré. « Je fais des études pour trouver un travail ». Les prévenus ont dix jours pour faire appel. Ils sont également condamnés à régler solidairement une amende douanière de 605 000€.
C.A