Le Pays Malouin

« Le don d’organes m’a sauvé »

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Dans le cimetière à bateaux de Quelmer - La Passagère, deux artistes ont réalisé une oeuvre éphémère sur un des bateaux abandonnés, rebaptisé pour l’occasion « IMC Mayday ». Seitoung, de Saint-Malo et Anto Squizzato, de Vic-le-Comte, ont souhaité écrire le code morse signifiant Mayday à l’intérieur du bateau, de manière répétée sur toutes les surfaces exploitabl­es.

Un message qui fait référence « aux migrants qui s’échouent et à l’idée qu’il y a des appels au secours en permanence qui finissent par ne plus être entendus ».

L’oeuvre a été réalisée le vendredi 18 et le samedi 19 août sous l’égide de Le Trampoline, un espace d’art contempora­in à Vic-le-Comte.

Greffé des deux poumons et d’un rein, Steve Malherbe, 42 ans, sait ce qu’il doit au don d’organes. Aujourd’hui, il roule pour sensibilis­er à cette cause et aider les enfants en attente de greffe.

Steve Malherbe avait 17 ans, en Normandie, lorsque les premiers symptômes se sont déclarés. « J’avais du mal à respirer. J’ai été mal soigné, on a pris ça pour de l’asthme. » Deux ans plus tard, à la suite d’un accident de voiture, il fait un pneumothor­ax et un arrêt cardiaque.

Il en réchappe grâce à l’interventi­on du Samu, mais on lui diagnostiq­ue plus tard une maladie génétique - l’emphysème histiocyto­se – en phase terminale. « J’avais deux choix : soit faire enlever les parties abîmées de mes poumons, avec une espérance de vie de cinq ans ; soit la greffe… »

Il choisit la deuxième option. Il passera six mois sous oxygène, 24 heures sur 24. Six mois à attendre l’appel « qui vous raccroche à la vie », à n’espérer qu’une chose, « être sauvé ».

Renaissanc­es

Le 22 février 1997, on lui annonce qu’un donneur a été trouvé. L’opération – une double greffe des poumons - dure huit heures. « Deux jours après, je respirais… » C’est une première renaissanc­e.

Il en faudra une deuxième, car les médicament­s anti-rejet finissent par abîmer ses reins. Quatorze ans après avoir reçu deux poumons, Steve se retrouve sous dialyse, à nouveau en attente de greffe. «À l’époque, j’habitais à Plouërsur-Rance, où j’étais agent technique à l’école. J’ai été appelé pour la greffe de rein le 24 juin 2011… » Un jour de chance, encore. Steve est un double miraculé.

En octobre 2016, revenu en Normandie, il lance son associatio­n « Ma vie mon souffle ». Le 5 mars 2017, il organise une rando pédestre pour fêter « ses vingt ans de greffe » et récolter de quoi acheter un vélo à assistance électrique. L’activité sportive lui est bénéfique car elle permet d’améliorer sa capacité vitale.

« Mais je voulais que ce vélo soit utile à autre chose… », explique Steve. D’où l’idée de rallier la Normandie à la Bretagne, de Tancarvill­e à SaintMalo. Un défi relevé à la fin du mois de juin.

Rendre hommage à ses donneurs

En roulant – avec une remorque où était écrit « le don d’organes m’a sauvé, je roule pour les enfants malades » - Steve voulait à la fois encourager les greffés, rendre hommage à ses donneurs, sensibilis­er au don d’organes. « Ça a marché. Dans les voitures qui me dépassaien­t, les gens applaudiss­aient… »

Steve avait aussi en tête les amis disparus, les malades en attente de greffe. En particulie­r les enfants hospitalis­és à l’hôpital Marie Lannelongu­e, au Plessix-Robinson (92). « Ils sont une quinzaine. Ils vont faire une liste de souhaits et l’argent qu’on a récolté va servir à leur offrir des cadeaux. »

Tout au long des quelque 320 kilomètres, Steve était soutenu par des amis, des clubs de vélo, des sponsors, mais aussi et surtout par sa femme Elisabeth, qui le suivait en camping-car avec leurs trois enfants : Ludmilla, 15 ans, Mélissa, 5 ans et Louka, 2 ans. « C’était beau de faire ça tous ensemble. Une belle aventure humaine. »

Leur périple est passé par Plouër, « où on a partagé un repas à la cantine avec les élus et l’associatio­n des parents d’élèves ». A Roz-Landrieux, où Steve a aussi vécu, les enfants de l’école maternelle lui ont remis un don symbolique.

Le quadragéna­ire a déjà un nouveau défi en tête : aller jusqu’à Nice en passant par Dreux, « où mon donneur de rein a été prélevé », et par Lyon, « où se trouvait mon donneur de poumons ».

C’est la seule chose que Steve sache à propos de ceux à qui il doit la vie. « Parfois, je me suis dit que ce serait bien de connaître leur famille, mais finalement non. C’est aussi bien comme ça. Je n’ai pas le droit d’essayer de les contacter, juste de leur faire savoir, via un courrier à l’organisme Biomédecin­e, que je suis encore en vie, en restant anonyme. Je voulais le faire pour mes vingt ans de greffe, mais je n’y arrive pas… » Difficile de dire pourquoi. Steve écrira peutêtre cette lettre, un jour.

En attendant, le plus beau remercieme­nt qu’il puisse faire à ses donneurs, c’est de vivre. Tout simplement.

Bernadette RAMEL

Contact sur Facebook : Associatio­nma vie mon souffle

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