Le Pays Malouin

« Avec mon fils, nous avons dormi 3 semaines dans le coffre de ma voiture »

Virée de sa maison par un conjoint alcoolique et violent, Danielle, 50 ans et une santé très précaire, s’est retrouvée à la rue cet été, à Saint-Malo, avec son fils de 17 ans. Dans une situation de détresse qu’on peine à imaginer en 2017. Témoignage.

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« Mon ex-conjoint est alcoolique. C’est un homme qui était psychologi­quement violent avec moi. Pour lui, mon fils et moi n’étions que des sangsues vivant à ses crochets.

Il buvait dès le matin. Il était souvent ivre mort.

Cette situation s’est dégradée l’hiver dernier. Elle a fini par dégénérer en juillet. Un après-midi, énervé et plus alcoolisé que d’habitude, il s’est mis à balancer et casser des objets dans la maison. On a eu peur. On a appelé la police qui l’a interpellé en état d’ivresse manifeste et placé en garde à vue.

Il a été libéré le lendemain. À son retour, il nous a mis, mon fils de 17 ans et moi, à la porte.

Nous sommes partis tous les deux, avec quelques affaires, dans la précipitat­ion. Nous n’avions aucun endroit où aller. Nous avons frappé à la porte du Goëland et du CDAS. Contacté des associatio­ns. Ils n’avaient pas de logement d’urgence disponible. Aucune solution immédiate.

Le Goëland ne possède que 15 places pour faire face à des situations comme la nôtre. Alors forcément, ils ne peuvent pas loger tout le monde.

Pour un logement social, c’est compliqué l’été. On nous a dit d’attendre que les commission­s se réunissent à la rentrée.

On a fini par me dire de « prendre mon mal en patience ». C’est une expression que je ne supporte plus aujourd’hui. Ces personnes réalisent-elles deux secondes ce que ça veut dire de patienter dans la rue, seule avec son fils ?

Il ne nous restait que la voiture. Une ZX, vieille de 23 ans, insalubre, achetée d’occasion 300 euros cet été, après que mon « ex » eut explosé mon véhicule.

On a enlevé une partie de la banquette arrière, pour pouvoir dormir dedans. On y a passé deux nuits, avant que je ne sois à nouveau hospitalis­ée.

Quand mon « ex » nous a virés, je sortais d’une grosse opération chirurgica­le consécutiv­e à une descente d’organes. Je suis également un traitement contre le cancer, avec tous les effets secondaire­s que vous pouvez imaginer. Je fais aussi de l’hypertensi­on et souffre de problèmes cardiaques. J’étais faible. Très faible. On m’a hospitalis­ée dix jours. Mon fils était hébergé chez son frère en Charente-Maritime.

À ma sortie de l’hôpital, on a retrouvé tous les deux notre statut de SDF. On avait beau multiplier les démarches, personne n’avait de toit à nous offrir. Seul le 115 pouvait nous héberger, mais à Rennes. Je leur ai dit que ce n’était pas possible avec mes rendez-vous médicaux, pratiqueme­nt chaque jour à Saint-Malo et la rentrée prochaine de mon fils au lycée. Ils m’ont répondu qu’ils étaient prêts à nous payer le train depuis Rennes. C’est absurde. Autant nous loger à l’hôtel, ça coûterait deux fois moins cher. Mais non, c’était Rennes ou rien.

Nous avons donc rejoint la pointe de la Varde. Nous y sommes restés trois semaines, à dormir dans le coffre de notre vieille ZX. Moi, mon fils et notre chat, devenu le meilleur des antidépres­seurs dans ce genre de situation.

Nous avons choisi la Varde, car nous nous sentions en sécurité au milieu des camping-caristes.

Pour ma toilette, j’allais de temps en temps prendre une douche chez une copine. Quant aux sanitaires, pour parler crûment, on serre les fesses ou on essaie de trouver un coin tranquille dans la nature.

La plupart des camping-caristes n’ont pas fait attention à nous. Bien-sûr, vous ne pouvez pas éviter certains regards ou chuchoteme­nts. Mais il y a aussi des gens plus attentionn­és, comme cette vacancière venue nous inviter à prendre le petit-déjeuner avec elle et son enfant.

On a rencontré ces dernières semaines des personnes indifféren­tes à notre sort mais aussi d’autres qui se sont remué les tripes pour nous. Au commissari­at, une Officier de police judiciaire, Mme Bailleux, a fait tout ce qu’elle pouvait pour m’aider, pour trouver une solution. Mon avocate, Me Postollec, s’est beaucoup démenée elle aussi. À l’hôpital, on a croisé des infirmière­s et aidesoigna­ntes formidable­s qui ont pris le temps de nous écouter et de nous épauler.

Aucun logement d’urgence disponible

Depuis cette semaine (le 30 août, ndlr), Le Goéland nous a trouvé un logement d’urgence, en collocatio­n avec deux autres femmes victimes, elles aussi, de violences conjugales. On souffle un peu, les choses s’améliorent.

Mes projets ? Avoir un logement stable et assurer une rentrée paisible à mon fils. J’envisage aussi de reprendre une formation après avoir longtemps travaillé dans le monde des médias.

J’aimerais également créer une associatio­n pour aider les victimes de violences conjugales. Une asso qui pourrait par exemple, servir d’interface entre les victimes et les organismes censés pouvoir les aider.

On fait de grandes campagnes pour que les femmes victimes de violences se libèrent mais derrière, les moyens ne suivent pas. Il n’y a pas de places pour les accueillir. Et Saint-Malo ne fait pas exception à la règle.

Maintenant, je comprends pourquoi certaines femmes ne disent rien et ne quittent pas leur conjoint. Car partir, c’est prendre le risque de se retrouver à la rue, sans toit, comme moi ».

Une vieille ZX de 23 ans Au milieu des campingcar­s à la Varde

Recueilli par Samuel SAUNEUF

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