Le Pays Malouin

Franck Bugianesi a couru 320 km d’affilée, en 66 heures

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Une course à pied de 320 km d’affilée, sans étapes, qu’il a réalisée en 66 heures, dont quatre de sommeil : c’est l’exploit de l’été du Malouin Franck Bugianesi, 44 ans. Il nous a raconté.

Ne dites pas à Franck Bugianesi qu’il est un héros. « Un héros ce n’est pas ça ». Une chose est sûre, c’est qu’une force le pousse depuis quinze ans à repousser ses limites dans le domaine de la course à pied, dont il a fait une seconde nature. Il a ainsi accompli une dizaine d’Ultra-Trails depuis 2002, date à laquelle il a couru sa première course de plus de 80 km, et pas n’importe laquelle : la bien nommée Diagonale des Fous, sur l’île de la Réunion. 164 km, avec 9920 m de dénivelé.

320 km sans étapes

Sa dernière prouesse donne le tournis : la deuxième édition de l’Ultra Great Britain, une course de 320 km, sans étapes. Autrement dit, avec les arrêts qu’on s’octroie, mais en un temps limité pour ne pas se retrouver hors délai. C’était le 19 août dernier, en Angleterre, sur une ancienne ligne de chemin de fer reliant la mer d’Irlande à la mer du Nord. Pourquoi celle-là ? Franck vous dira qu’il avait un petit compte à régler avec lui-même : la très difficile Petite Trotte à Léon, course de 290 km tentée l’an passé qui lui a imposé de déclarer forfait. Pas question d’en rester là. 320 bornes, donc…

Franck était le seul Français sur la ligne de départ. A ses côtés, des Anglais essentiell­ement, deux coureurs de Singapour, un Polonais, un Japonais. Et sur les 80 hommes et femmes ayant pris le départ, 39 sont arrivés, ou arrivés dans les temps, c’està-dire en moins de 100 heures. Notre Malouin, qui s’entraîne au sein de Saint-Malo Sports Loisirs a accroché à son exploit un temps de 66 heures. Mieux que ce qu’il avait secrètemen­t espéré, puisqu’il s’était fixé 72 heures. Et sur ses 66 heures il aura dormi… 4 heures.

Alors, comment ça se passe, quand on court 320 km ? Franck partait avec un sac d’environ 3,5 kg, contenant surtout de l’eau et le strict minimum. 16 points de ravitaille­ment étaient prévus sur le trajet, soit environ un tous les 28 km. « Les premières 24 heures, j’ai couru 130 km environ. Puis, je me suis arrêté à un point de ravitaille­ment, et j’ai dormi trois heures, sur un tapis. Repartir alors, à environ 4h du matin, c’est dur, surtout pendant la première demi-heure. J’ai surtout marché, pendant ma deuxième partie de course, marché vite, pendant 15-20 heures. Après ça j’ai dormi une heure, et là, on me dit : t’es dixième. Alors je me suis mis en mode compétiteu­r, avec ce qui me restait comme forces, objectif : gagner quelques places ! J’ai alterné la marche et la course, je ne pouvais pas faire plus ».

C’est dur, physiqueme­nt, et psychologi­quement. « A l’issue des premières 24 heures, la deuxième étape est très dure. Parce qu’on a la fatigue de la veille, et qu’il faut recommence­r… Et j’ai été un peu déçu des paysages ! On passe par de jolies contrées vallonnées, vertes, sous la brume, comme on l’imagine, mais on a aussi beaucoup de lignes droites et de traversées de banlieues de grandes villes, c’est un peu loin du trail nature qu’on imagine ! ». A aucun moment pourtant il ne songe à abandonner. Tout au long de la course, il reçoit des tweets de ses proches et amis qui le suivent et l’encouragen­t, et « oui, ça aide ! ».

18 heures de sommeil d’affilée

Lorsqu’il arrive enfin, au terme de ses 320 km, il fait nuit. « Il n’y avait personne, juste l’organisate­ur. Autant vous dire que ce n’est pas pour la gloire qu’on fait ça ! Mais quand j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’ai ressenti des frissons : j’avais réussi ! », confie-t-il. Il n’a pas pu dormir vraiment tout de suite. Il lui a fallu rejoindre Manchester, à une centaine de km, prendre une chambre d’hôtel. Et là… il a dormi 18 heures d’affilée. Depuis, Franck n’a pas recouru. Mais ça commence à le démanger. « Par moments, et au moment où on arrive, on se dit : plus jamais ça. Mais on sait qu’on aura envie de remettre ça ». Il a dû aller voir son médecin : le pied enflé, c’était une infection. Sa tendinite au tendon d’Achille s’est réveillée. Mais il sent qu’il récupère mieux, qu’il est moins fatigué que lors de ses premiers ultra-trails. Alors, prochaine destinatio­n ? « Je ne sais pas encore. Je rêve du trail de la Muraille de Chine, et du Grand to Grand, dans le Grand Canyon. Mais je me laisse le temps de voir ».

V. DAVID

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