Le Pays Malouin

Michel Lebris signe un roman de 900 pages sur les créateurs de King-Kong

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Le directeur du festival Etonnants Voyageurs Michel Lebris est à l’honneur en cette rentrée littéraire, avec Kong. Son livre est partout, et son auteur enchaîne les interviews à son propos. Il répond à nos questions.

Pourquoi un livre sur les créateurs de King-Kong ? On imagine une fascinatio­n pour ceux-ci et leur époque, mais également pour ce film, marquant à de nombreux points de vue ?

On se construit à travers des livres, des films – pour moi, très tôt, à travers Stevenson, London, Melville, Conrad. King Kong, vu à la Cinémathèq­ue dans les années 60, avait été un éblouissem­ent. Son thème était le même que celui de « mes » auteurs fétiches : cette puissance au coeur du monde, tout à la fois créatrice et destructri­ce, qui tant me fascinait, enfant, quand la mer, à quelques mètres de ma maison, tonnait dans les tempêtes d’hiver. Comment l’habiter ? Comment la rendre créatrice ? Voilà ce qui m’occupe depuis toujours…

Et puis ensuite il y a des hasards : la commande par France 3 d’un portrait de Jack London, la découverte que Martin Johnson, son photograph­e des mers du Sud, avait été une star dans les années 20. Un de ses films, Congorilla, montrait sa femme au milieu de gorilles, en 1932, King Kong était sorti en 1933. L’un avait-il inspiré l’autre ? Je furète. La réponse était négative, mais j’étais pris : l’histoire du fil que vous tirez, tirez, et c’est toute l’époque qui vient. L’aventure des deux créateurs de King Kong, Marion Cooper et Ernest Schoedsack, était incroyable, folle, démesurée : toute l’histoire de l’entre-deux guerres, passait à travers eux !

Pourquoi avoir choisi d’en faire un roman ?

Mes deux héros sortent de la Grande guerre hantés par ce qu’ils ont vécu. Ils vont courir aux quatre coins de la planète pour tenter de le dire par des films : réalistes, se jurent-ils, sur-tout pas de fiction ! Ils finiront pourtant par concevoir le film le plus dément de son époque, quasiment surréalist­e. Leçon : seul l’imaginaire a puissance à dire l’inconnu du monde. C’est le sujet de mon roman. Que seul un roman peut rendre.

Où avez-vous écrit ce livre ? Ecrivez-vous à Saint-Malo ? Les premières phrases du livre me sont venues, comme pour tous mes autres livres, dans « ma » baie de Morlaix, entre le port de Térénez et le village de Saint-Samson, en marchant le long du rivage, en écoutant la mer – et de même pour les der-nières phrases. Autrement dit, là ou je suis né… Il doit y avoir une raison. Et puis, quand j’ai la musique, je peux poursuivre n’importe où. De préférence chez moi, entouré de mes livres.

Depuis combien de temps travaillez-vous à ce livre ?

Depuis 2009. Pas à temps complet, mais avec toujours Kong en tête. Il m’a fallu faire des recherches dingues… Mais le plus important, pourtant, aura été le travail d’écriture, avec l’ambition d’un « roman total », d’aventure, d’amitié, d’amour, métaphysiq­ue, roman sur le processus même de création – bref, d’un « roman-monde » !

… Quand est-ce que vous dormez, Michel Lebris ? ! Entre l’écriture d’un livre aussi colossal et un salon qui l’est tout autant…

Je dors très bien, mais pas beaucoup : le festival dévore une grande partie de ma vie. Écrire du coup est une lutte pour se préserver ! Mais je ne me plains pas : le festival est une aventure d’une incroyable richesse. Il fait partie de mon oeuvre…

Vous avez écrit un très grand nombre de livres. Une préférence pour l’un d’entre eux ?

Kong, assurément : je suis allé très loin en moi-même, pour l’écrire. Mais j’ai une grande tendresse pour Un hiver en Bretagne, comme pour La Beauté du monde. Vous voyez : ils arrivent tous. Parce que je les ai tous aimés, et qu’ils se répondent les uns les autres.

Vous êtes un spécialist­e de Stevenson, l’auteur de L’île au trésor. Pourquoi cet attachemen­t pour cet auteur et cette oeuvre ?

Parce que c’était lui, et parce que c’était moi… Ce qui est certain, c’est que je le place très haut… Il a accompagné ma jeunesse, puis le hasard me l’a fait retrouver, en Californie. Depuis nous ne nous sommes guère quittés.

Pourquoi faut-il lire ’Kong’, Michel Lebris ?

Ce n’est pas une obligation ! Mais quand on a tout donné de soi, on espère, bien sûr, que quelqu’un vous entendra… Quant aux raisons de me lire, la réponse appartient aux critiques…

« Vous tirez un fil, et c’est toute l’époque qui vient »

Recueilli par V.D.

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