Le Pays Malouin

C’est quoi être Malouin ?

« Qu’est-ce qu’être et se dire Malouin en 2017 ». Vaste question qui était au coeur de l’enquête de sociologie menée par la Malouine Pauline Blin-Jouan. Elle a interrogé pour cela près de 1 000 habitants de St-Malo au printemps. Interview :

-

Alors, s’il ne fallait retenir qu’un seul mot, qu’est ce qui définit le Malouin en 2017 ?

La fierté ! La fierté d’appartenir à ce territoire. Les Malouins sont très fiers de leur histoire, de cette ville que tout le monde vient visiter, qui est connue de par ses grands événements comme la Route du Rhum, son patrimoine, ses remparts, ses paysages magnifique­s. Tous les gens que j’ai directemen­t interrogés ou qui ont répondu à mon questionna­ire m’ont tous dit qu’ils étaient fiers d’être Malouins.

Aujourd’hui, 50 ans après la fusion, est-on encore Paraméen ou Servannais avant d’être Malouin ?

Pour celles et ceux nés avant la fusion, oui complèteme­nt. Des personnes cherchaien­t même à me le prouver en sortant leur carte d’identité : « Regardez, c’est bien écrit que je suis né à SaintServa­n sur Mer ». Ce papier, c’est une preuve d’appartenan­ce à St-Servan ou Paramé avant tout. Et ce sentiment d’appartenan­ce a été transmis aux enfants.

La nouvelle génération s’identifie-t-elle encore aux trois villes ?

Non pas du tout. Enfin, ça arrive mais c’est très rare. Par contre, elle s’identifie fortement à SaintMalo. La devise « Malouin d’abord, Breton ensuite, Français s’il en reste » est toujours d’actualité. Même si j’ai remarqué que l’identité bretonne était également importante pour beaucoup de jeunes interrogés.

On ne vante donc plus forcément ses racines paraméenne­s ou servannais­es. Par contre, vous dîtes que si on vient de La Découverte, on le revendique ?

Il y a une forte identité dans ce quartier, une vraie communauté de village. Les habitants me l’ont dit : ils sont de La Découverte avant d’être de Saint-Malo. Il y a à La Découverte une puissance d’identité comparable à celle qui existait auparavant dans les trois villes. Pour moi, ce quartier est la « 4e ville », la quatrième entité de Saint-Malo. Les habitants de La Découverte sont fiers d’y habiter.

Ce qui est moins vrai pour leurs voisins de la gare…

Ils ne le revendique­nt pas en tout cas. Il n’y a pas d’identité. Pas encore du moins. Ça arrivera peut-être plus tard. C’est un coeur de ville qui se construit.

« Regardez ma carte d’identité, je suis né à Saint-Servan-sur-mer »

Existe-t-il encore une rivalité entre quartiers ?

Non, il n’existe plus de réelle rivalité. Mais on continue d’en jouer, on se taquine. Plus on avance dans l’âge, plus on se rend compte aussi que certains souvenirs sont encore bien présents. Des personnes, aujourd’hui âgées de 50-60 ans, m’ont parlé des bagarres fréquentes qui avaient lieu autrefois entre Lorette et La Découverte. On m’a également fait part de la rivalité économique qui existait entre St-Servan et Intra-Muros, qui avaient le port en commun avant la fusion. « Mais on pouvait quand même marier un Paraméen avec une Servannais­e ! » m’a-t-on dit dans un Ehpad. Comme quoi, ce n’était pas la guerre non plus…

Non mais les anciennes génération­s font encore la différence entre un Malouin, un Servannais et un Paraméen ?

À l’Ehpad, j’avais face à moi cinq Servannais­es et une Malouine d’Intra. Elles lui ont bien fait comprendre qu’elle était en minorité. Ça a été dit avec le sourire bien entendu, mais ça montre bien qu’il existe encore cette volonté de montrer qu’on est différent. Après, ce n’est pas propre à Saint-Malo. Ces différence­s entre quartiers, on les retrouve dans toutes les villes.

On voit que beaucoup de Malouins possèdent un drapeau, un porte-clés ou une plaque d’immatricul­ation à l’effigie de Saint-Malo. Il y a un réel attachemen­t à l’étendard malouin ?

Pratiqueme­nt une personne sur deux interrogée possède un drapeau malouin. Ceux qui habitent à l’étranger vont le mettre sur leur maison pour rappeler d’où ils viennent. Encore une fois, on est fier d’être Malouin, on le cultive, on l’entretient et on le montre.

Pour être Malouin, faut-il être né ici ? Pour moi, un Malouin, c’est quelqu’un qui se sent appartenir au territoire. Mais nous n’avons pas tous la même définition. Pour beaucoup de gens, le lieu de naissance définit d’où on vient et qui on est. Si tu es né à Saint-Malo, c’est bon. J’ai croisé des gens qui habitent ici depuis 20, 30 ans à qui on fait la réflexion : « De toute façon toi, tu n’es pas né ici ». J’ai même interrogé une personne qui m’a confié qu’elle ne pouvait pas se considérer comme Malouine parce qu’elle n’était arrivée ici… qu’à l’âge de 3 mois.

« La Découverte, 4 ville de Saint-Malo » « On pouvait quand même marier un Paraméen avec une Servannais­e ! »

Et tous ces Malouins que vous avez rencontrés, ils savent qu’on fête cette année les 50 ans de la fusion ?

Ceux qui ont connu cette époque oui. C’est normal, il faut se remettre dans le contexte de l’époque : les fusions de communes n’existaient pas encore, Saint-Malo a été précurseur. C’est donc un événement qui a été marquant.

Par contre, l’anniversai­re de cette fusion n’intéresse pas du tout les jeunes que j’ai pu rencontrer. Certains ignorent même qu’il existait trois villes auparavant.

Recueilli par Samuel SAUNEUF

Newspapers in French

Newspapers from France