Le Pays Malouin

Quand les patrons cherchent désespérém­ent des salariés…

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Aux abois. Une cinquantai­ne d’employeurs ne trouvant pas salariés se sont retrouvés lundi 30 octobre à l’Espace Delta à Pleurtuit, pour faire une photo et marquer les esprits. Et lancer un cri d’alarme1. Nous les avons rencontrés. Dans un restaurant

A La Cantina, un jour de fermeture faute de salariés. La pizzeria tex-mex très prisée des amateurs La Cantina, située à Dinard face au casino cherche un cuisinier depuis au moins deux mois. Normalemen­t, le restaurant tourne avec 4 cuisiniers. D’après Yannick Le Cam, le gérant de l’établissem­ent, c’est la première fois que c’est aussi compliqué ; il a même été amené à opter pour une solution intermédia­ire : fermer son établissem­ent le jeudi. « Si le salarié fait l’affaire, on propose un salaire de 1600 euros nets, en CDI ; et des extras possibles à 30 euros nets de l’heure. Seulement, tous ceux que je vois passer ne veulent plus de CDI », confie le gérant depuis 20 ans à la tête du restaurant.

Garde d’enfants

Recherche trois CDI. Pascal Pignot est le co-gérant de Chamalo (Dinan et SaintMalo) qui propose un service de garde d’enfants à domicile depuis 2011. Le mail d’Agnès Bougeard lui a permis « de réaliser qu’on galérait pour trouver des postulants ; cette année, on s’est mobilisé tout l’été pour recruter, on a souffert ; alors pour moi c’est plus une forme de coup de gueule », expose-t-il.

L’entreprise fonctionne avec 5 personnes à temps plein pour la gestion commercial­e et administra­tive, et 25 personnes sur le terrain. Ils recherchen­t trois personnes pour trois CDI, « pas à temps plein mais pour plus de 110 heures par mois », informe Pascal Pignot. « Nous recherchon­s des personnes diplômées, mobiles, et motivées », poursuit-il. Finalement, il est très heureux d’être venu, d’autant qu’il a pu voir « une dame intéressée, alors c’est une très bonne matinée », dit-il.

Menuiserie

Écoeuré, il va se reconverti­r. Yannick Mary, menuisier à Saint-Méloir-desOndes, est en phase de réorientat­ion partielle. « J’ai longtemps cherché, pendant une dizaine d’années, j’en ai ras le bol. Les menuisiers purs, c’est fini, le métier est en pleine révolution. J’ai formé mes jeunes, j’en ai d’ailleurs gardé deux, mais j’ai fini par ne plus en trouver, alors je travaillai­s le week-end pour compenser le manque de main-d’oeuvre : une vraie mauvaise spirale… Alors j’ai décidé d’arrêter mon activité, je veux mettre une formation en place ».

Compagnons du Devoir

Pénurie d’inscrits. Jonathan Collé, prévôt des compagnons du Devoir, responsabl­e de site à Rennes, était là aussi. A Rennes, ils forment à 30 métiers différents. Pour les métiers de « couvreurs, plombiers, charpente, métallerie », il fait état d’un manque d’élèves : « Il y a cinq ans on avait une vingtaine d’inscrits dans ces sections, maintenant, on a environ 13 jeunes en moyenne ».

Selon lui, le premier problème est un problème d’image véhiculée. « Les gens gardent l’image du couvreur qui peine par tous les temps. Or… Aujourd’hui, quand il fait un temps trop mauvais, on reste chez soi ! Pour le métier de plombier, d’aucuns pensent que cela se limite à déboucher les toilettes, or : c’est beaucoup plus vaste et intéressan­t. Le métier de maçon a également beaucoup évolué, mais on en garde l’image d’Epinal ». Il aimerait pouvoir présenter ces métiers dans les lycées. Le hic, c’est que l’Education nationale ne le reçoit pas… « C’est dommage, parce que ces métiers permettent d’exercer sur du concret, offrent la joie de se réaliser ».

Maçonnerie

Recherche deux CDI. Hugues Buchon est patron d’une entreprise de maçonnerie au Minihic-sur-Rance. Il cherche deux salariés depuis deux à trois mois, « un maçon chef d’équipe, et un maçon qualifié ». C’est la première fois qu’il cherche aussi longtemps. Malgré « un salaire attractif, les 35 heures, un panier-repas, et une bonne mutuelle ». Une durée qu’il explique parce que « l’activité a repris », et que « tous les gars sont déjà en poste ». Mais aussi par l’image renvoyée des maçons. « Maçon, ça reste physique, mais maintenant on est équipés : avant il fallait faire le béton à la main, plus maintenant ! ».

Conducteur­s poids lourds

Recherche 150 CDI. Le groupe Guisnel, spécialisé dans la livraison de meubles (Dol), recherche 150 conducteur­s poids lourds sur toute la France, à temps plein et en CDI. « C’est compliqué de trouver. J’ai espoir, c’est pour ça que je suis venue aujourd’hui. Nous avons 1000 salariés, nous devons faire face au turnover. Nous avons nos propres écoles de formation, aussi, on recrute plutôt sur le savoir-être, le sourire, la sympathie ; on s’occupe de faire passer le permis au bout de trois mois de formation », confie Mélanie Lecoublet, chargée de recrutemen­t.

Et après ?

Agnès Bougeard a décidé de constituer une cvthèque « simple » et efficace, pour mettre demandeurs d’emploi et patrons en relation. Elle a recruté une stagiaire pour mettre en place cette cvthèque pendant deux semaines. Par ailleurs, le même genre d’événements, à la demande de tous, pourrait avoir lieu à nouveau, mais « tout en restant une structure non profession­nelle, on tient à garder le défaut de nos qualités ». Dossier : Virginie DAVID

1. Une initiative d’Agnès Bougeard (Couverture, chaume, isolation à Pleurtuit), invitant les patrons à venir avec une pancarte qui afficherai­t leur demande de salariés. Elle avait adressé un mail à un certain nombre de chefs d’entreprise­s, qui a fait écho chez une cinquantai­ne d’entre eux (tous n’ayant pas pu se déplacer ce jour-là). Elle avait aussi adressé un courrier aux élus et autorités, dans l’espoir de susciter un échange sur ce sujet.

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