Le Pays Malouin

Quand la guerre estropiait les Malouins

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« Mon père est né le 31 juillet 1897 à Saint-Malo. Il habitait avec sa famille Intra-Muros, au 5 rue des Marins. Apprenti matelassie­r à 16 ans, il a été mobilisé deux ans plus tard, et incorporé au 225e Régiment d’Infanterie.

Amputé d’un avant-bras

Il avait 18 ans et demi, et est parti au combat sans avoir appris à utiliser un fusil.

Le 30 mai 1917, à Auberive dans la Marne, il est touché par un obus dont les éclats lui ont sectionné l’avant de son bras droit.

Il n’avait pas encore 20 ans et il était déjà estropié. Il a été transféré à l’hôpital complément­aire de Vichy le 27 juin. Il avait également été touché au bras gauche, à l’épaule droite et à la cuisse gauche.

Il en est sorti en août 1917 et est parti en convalesce­nce, retrouver sa famille à Saint-Malo.

Perte d’audition

Avant de pouvoir percevoir une pension, on lui a demandé de choisir entre une réduction sur le prix du pain ou de ne payer qu’un quart de sa place en train. On croit rêver !

Mon père avait également perdu presque toute son audition à cause des bombardeme­nts. Mais cette gêne ne fut pas prise en compte au moment de calculer son invalidité, les médecins des hôpitaux militaires affirmant que son handicap allait passer avec le temps. Ce qui ne s’est jamais vérifié.

Malgré ses handicaps, mon père put trouver un travail. Il était facteur aux PTT, un métier qu’il exerça jusqu’à son décès, à seulement 53 ans. Quelle tristesse !

Mon père avait un frère, Henri, qui fût incorporé au 47e RI de Saint-Malo. Il fut tué le 30 mai 1918 à Le Charmel dans l’Aisne. Son corps fut mis dans une fosse commune. Il avait 24 ans.

Révolté

Toute sa courte vie, mon père fut révolté contre les marchands de canons qui s’enrichisse­nt avec les guerres.

Il était révolté, aussi, contre ces familles malouines fortunées, qui avaient des relations, et dont les enfants ne furent pas envoyés au Front. On leur trouva des postes sans danger, dans des bureaux. C’était, disait-il, des « embusqués ».

Mon père a souffert de la guerre toute sa vie. Il ne le méritait pas. C’était un brave homme. »

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