962 tonnes de déchets amiantés enfouis dans une zone de Saint-Malo
L’ancien gérant d’une entreprise d’équipements de chauffage, installée à Saint-Malo depuis 1972 dans une zone industrielle, comparaissait le 9 novembre dernier devant le tribunal de Saint-Malo pour l’abandon et l’élimination de déchets amiantés.
C’est l’aboutissement de dix longues années de procédure. Il faut remonter à 1989 pour en connaître l’origine quand des plaques de glasal, contenant de l’amiante, étaient découpées pour être ensuite intégrées aux convecteurs électriques fabriqués.
Des déchets brûlés puis enfouis
Le prévenu était alors responsable de l’activité de production, avant de prendre la relève de son père et de devenir le gérant de la société familiale.
D’abord brûlées, ces plaques ont ensuite été entreposées dans des bennes, à l’air libre, avant d’être enfouies dans le sol : elles servaient ainsi à stabiliser le terrain, un ancien marécage.
En 1995, l’homme décide de faire goudronner la cour de son entreprise. Un goudronnage « lu comme la volonté de masquer ce qu’il y avait dans le sol » explique le président du tribunal.
Lorsque le gérant revend son affaire à une grande société, celle-ci découvre l’ampleur des dégâts : 962 tonnes de déchets. Les travaux d’enlèvement lui laissent une note amère : 180 000 €.
Si l’audience ne porte pas sur les risques humains d’une exposition à l’amiante, l’avocat de la société repreneuse insiste : « On a enregistré des situations qui étaient humainement dramatiques. Il peut s’estimer heureux de ne pas avoir été poursuivi pour homicide involontaire ou mise en danger de la vie d’autrui. »
Inerte ou dangereux ?
Et puis, le code de l’environnement le dit : on n’abandonne pas ses déchets, encore moins amiantés. Mais pour le prévenu et son avocat, l’amiante des plaques de glasal est un déchet inerte, et non dangereux. Là dessus les avis divergent, chacun, procureur, prévenu ou partie civile, y allant de son explication scientifique.
La raison de cet enfouissement des chutes de plaques de glasal, mélangées à la terre ? « C’était moche, ça ne faisait pas sérieux d’avoir ça à l’arrière de la cour. À l’époque, je ne me suis pas posé de question » explique le prévenu.
La société repreneuse ignorait-elle vraiment cet enfouissement d’amiante quand elle a racheté l’affaire ? Pour Me Lavole qui défend le prévenu, la réponse est claire : « Avant la vente, il y a eu un audit environnemental. Ils étaient parfaitement au courant. On tente de venir reprocher à mon client une situation qu’on aurait découvert comme par miracle. »
Le doute bénéficie au prévenu
Après trois heures de débat, l’ancien gérant a finalement été relaxé, le tribunal ayant considéré que les faits apportaient « plus d’interrogations que de réponses » et qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour affirmer que l’enfouissement des déchets avait eu lieu après 1989, année de sa prise de fonction de gérant.
Les témoignages des salariés qui affirmaient qu’ils avaient vu de leurs yeux des plaques amiantées se faire enfouir dans le sol n’étaient pas circonstanciés dans le temps, les locaux ont quant à eux pris feu en 2006, rendant les preuves plus complexes à fournir ; le doute a bénéficié au prévenu.
De notre correspondante locale Sophie LESSIRARD