« On ne mesure pas que du jour au lendemain, sa vie peut basculer »
La soirée du mercredi 8 novembre inaugurait le lancement du festival Regards Croisés à SaintMalo, visant à mettre en avant les talents des personnes handicapées, et à gommer la discrimination d’invisibilité qui leur est faite. Grand Corps Malade était présent, pour la projection de son film. Zoom.
« On ne mesure pas que du jour au lendemain, sa vie peut basculer, et alors on est sur une autre planète ». Cette phrase, c’est Sam Karmann, le directeur artistique du festival Regards Croisés qui la prononce, à l’issue de la projection de Patients.
Patients, c’est l’histoire de Grand Corps Malade portée à l’écran par Medhi Idir et Grand Corps Malade lui-même, qui depuis sa sortie au cinéma en mars a enregistré un million d’entrées. Un succès, malgré les réticences des uns et des autres au moment de sa gestation. Le film, bourré d’humour, montre la réalité brute d’un jeune homme soudain devenu tétraplégique, après un mauvais plongeon dans une piscine : la vraie histoire de Fabien Marsaud. Il se destinait à une carrière dans le sport, il est devenu le chanteur, artiste qu’on connaît, avec sa voix grave si emblématique, Grand Corps Malade.
400 castings
Ce mercredi soir, il y a le film, et puis les échanges, entre les différents interlocuteurs sur le plateau et le public. L’occasion d’évoquer les coulisses du film aux 400 castings pour dégoter les pépites qui joueraient cette bande de jeunes fracassés physiquement, et que les circonstances rendent amis. Difficulté de l’acceptation, question du suicide, réappropriation du corps, amour, les questions sont au coeur du film, qui touche, inévitablement.
Interrogations sur le corps médical, aussi : faut-il dire les vérités pressenties, brutales – vous ne remarcherez jamais – au risque de blesser et de tuer un espoir en reconstruction ? Luc Leprêtre répond non, catégoriquement. « Nous comprenons par nous-mêmes », raconte celui qui a perdu l’usage de ses jambes suite à un accident de voiture à 15 ans.
Des moments de vie volés
Dans le public, Mélissa, de Saint-Malo, remercie pour la musique du film, en soulignant que « dans les hôpitaux il faudrait de la musique, parce que quand on est tétra il nous reste les oreilles, et que ça nous sauve » ; Danielle, de Dinard, maman d’un enfant souffrant du syndrome de l’autisme Asperger s’insurge contre l’administration, contre laquelle il faut entrer en guerre soudain ; et tous de rappeler à quel point l’enjeu de l’accessibilité est un enjeu majeur, la loi de 1975 l’imposant ayant sans cesse été différée : « Passer un entretien professionnel, avoir toutes les compétences et qu’on vous dise : on ne peut pas vous prendre parce qu’on n’a pas de toilettes handicapées c’est affreux, c’est des moments de vie qu’on vous vole », lance Luc Leprêtre.
L’accessibilité, vite !
« On s’est demandé pourquoi le handicap fait peur ; pourquoi on ne sait pas comment aborder un handicapé, comment lui parler : si l’on se côtoyait dans l’espace public depuis l’enfance, les choses seraient naturelles, c’est pour ça que l’accessibilité c’est capital », a martelé Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade.
V.D.