Lettre ouverte d’une américaine d’ascendance malouine
Lettre ouverte. « Je suis américaine mais d’ascendance malouine et normande.
Mon grand-père normand avait fait la guerre de 19141918, mais il y avait perdu son père et son frère et, bien que juriste brillant destiné à une carrière de magistrat, désabusé par la situation conflictuelle permanente en Europe, avait tout « plaqué » pour commencer une nouvelle vie au Canada… puis en Californie où nous vivons toujours.
Mais, il tenait à ce que nous conservions la culture française de nos aïeux et avait incité nos parents à nous faire élever dans des écoles religieuses francophones, ce qui explique que nous maîtrisons encore parfaitement le français.
Au cours des ans, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale 1945, nous nous sommes tenus au courant de l’actualité de la région malouine grâce aux liens familiaux que nous y avions conservés.
Un vieux cousin chanoine ne manquait pas de nous envoyer des coupures de journaux locaux : Le Pays Malouin, OuestFrance et tout ce qui pouvait contribuer à maintenir notre lien avec notre pays d’origine, on était à cette époque très loin d’Internet et des facilités de communication d’aujourd’hui !
Bien que nous ne fussions pas milliardaires, nous parvenions presque chaque année à effectuer un séjour en France, avec passage obligé à Saint-Malo au mois de juin ou de septembre parce qu’il y fait généralement beau temps et que c’était plus calme. Avec ravissement, nous explorions l’arrière-pays malouin, la vallée de la Rance, la côte de Saint-Malo à Cancale, Dinard et visitions notre parenté.
Tout était encore peu moderne -surtout les voitures que nous louions- et assez authentique.
Jusque dans les années 1970 environ, la vie à Saint-Malo et sa région était encore traditionnelle. Mais, depuis les années 1990, je trouve que tout s’est dégradé. Certes, c’est un peu partout comme cela. Mais, ce qui me touche le plus, c’est de voir ces années-ci l’urbanisation constante et l’exploitation du tourisme de masse.
Je voudrais vous dire, moi qui suis très attachée à toute cette architecture malouine que tous les touristes américains, australiens, japonais, néozélandais et autres ne viennent pas dans la région de Saint-Malo pour revoir les mêmes monstruosités architecturales (exemple : l’opéra de Sydney) qu’ils ont chez eux, mais au contraire pour découvrir la belle architecture classique traditionnelle qui caractérise la région malouine.
Evitez donc, messieurs les décideurs, de sombrer dans la déraison de construire d’horribles tours comme on en voit tant en Amérique et conservez votre belle architecture en l’adaptant aux techniques modernes si nécessaire ».
Barbara Surcouf