Le Pays Malouin

« Il ne faut plus que ça se reproduise ! »

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Hélène1 avait 33 ans. Ce 24 mai dernier, elle s’est donné la mort dans sa chambre de l’hôpital psychiatri­que de SaintMalo. Sa mère dénonce ses conditions d’hospitalis­ation.

Hélène avait des projets. Elle voulait être chimiste. Elle était allée passer son BAC STL sciences et technologi­es de laboratoir­e - dans ce but, à Lorient. « Elle avait un nez hors pair, elle voulait fabriquer des parfums », nous raconte sa maman. Et après son BAC, elle est allée suivre un cursus spécifique à Saint-Nazaire. C’est là que les choses auraient commencé à mal tourner. C’était il y a quinze ans.

« Un jour, Hélène nous a appelé de là-bas en nous tenant des propos délirants. C’était la première fois. Nous sommes allés la trouver, et elle a été hospitalis­ée pour la première fois, à l’hôpital psychiatri­que de Saint-Nazaire » Amèrement, la maman ne peut s’empêcher de comparer les deux structures, en terme de bâtiments : « Je me souviens des petites unités où étaient accueillis les malades, dans un parc magnifique… », racontet-elle. Sa fille est sortie de l’hôpital quinze jours plus tard, « Avec un traitement. Relativeme­nt stabilisée ».

« Une prise pour devenir schizophrè­ne »

Mais aujourd’hui, alors qu’Hélène n’est plus là, la maman se dit que, sans doute, le mal était fait : « Les psychiatre­s disent qu’il suffit d’une prise de cannabis pour devenir schizophrè­ne », lance-t-elle.

C’est avec cela que la jeune femme va vraisembla­blement tenter de lutter pendant les quinze années qui suivent.

« Hôpital de Ceausescu »

Et puisqu’Hélène revient habiter à Saint-Malo, c’est « en psy 1», rue de la Marne, qu’elle va donc être hospitalis­ée. Contrairem­ent aux pathologie­s du corps pour lesquelles vous pouvez choisir où vous voulez être soigné, vous n’avez pas le choix de l’établissem­ent si vous êtes concerné par une souffrance psychique : vous dépendez d’un secteur géographiq­ue.

Ce sera donc Saint-Malo, et pour la mère d’Hélène, le choc : « J’ai été horrifiée par ce que j’ai découvert. Rien qu’en franchissa­nt le seuil, qui est si glauque ! C’est tellement vieux, tellement vétuste ! En entrant, j’ai eu l’impression d’entrer dans un hôpital roumain sous Ceausescu. Le bâtiment est très vieux, les fenêtres aussi, et les douches, mon Dieu… A l’arrière du bâtiment il y a un parc que j’ai toujours vu jonché de mégots de cigarettes, avec une espèce d’abri-bus tout petit, complèteme­nt déprimant… On n’y fait rien. Les activités pour occuper les malades sont insignifia­ntes : on vous fait faire des gâteaux, alors que vous avez passé l’âge d’être un gamin. J’aimerais bien connaître le budget activités qui est alloué au service… », commente encore la maman.

Lorsqu’Hélène n’est pas hospitalis­ée, elle travaille.

La drogue restera sa problémati­que, semble-t-il, sans que la maman n’ait jamais su de quelles drogues sa fille faisait l’usage. Celle-ci tombera des nues lorsqu’elle la croit à l’abri, alors qu’elle est hospitalis­ée. Sa fille lui répond alors : « Maman, si tu savais… Je ne fume jamais autant que lorsque je suis hospitalis­ée à SaintMalo, parce que tout circule ici », se lamente la maman. Un témoignage qui rejoint ce que déploraien­t les soignants, quant à la libre circulatio­n de la drogue (Le Pays Malouin, 14 décembre).

La maman raconte le mélange des pathologie­s, des âges… De nombreuses personnes âgées souffrant de démence, se retrouvent là, « parce qu’on ne sait pas qu’en faire » ; elle évoque la terrible solitude de beaucoup. Renforcée, d’après elle, par des horaires de visite contraints aux heures de bureau : « Comment voulez-vous faire, quand vous travaillez ? Vous ne pouvez même pas manger avec votre proche hospitalis­é, alors que c’est de cela dont il peut avoir besoin ».

En mars, Hélène s’était mis à entendre de plus en plus fréquemmen­t des voix, ce qui correspond à « un stade avancé de la schizophré­nie », selon la maman. Et puis le 24 mai. D’après sa maman, Hélène a pris ses médicament­s du soir, vers 22h. Elle est rentrée dans la chambre d’hôpital qu’elle partageait avec deux autres patientes, et elle s’est donné la mort.

On a appelé sa mère vers 23h, pour lui dire que sa fille s’était suicidée. On a placé Hélène pendant les deux jours qui ont suivi en réanimatio­n. « J’aurais aimé savoir si ma fille avait pris des drogues, avant ses médicament­s. Mais on m’a dit qu’il n’y avait pas eu d’analyses de sang, ni d’urine, durant le temps où elle a été en réanimatio­n. Pendant ces heures où son coeur battait encore, mais où pour son cerveau c’était fini, je regardais ma fille, et je pouvais croire qu’elle dormait. Le 26 au soir, il a été décidé de débrancher l’appareil respiratoi­re. Ma fille était morte ».

Ne pas attendre d’autres drames…

Le lendemain, elle a été reçue par la cadre du service, plusieurs soignants, infirmiers psy qui l’ont écoutée, soutenue. Elle ne l’oublie pas, et elle leur en est reconnaiss­ante.

Pour eux, pour Hélène, pour les autres, elle a voulu dire que tout cela ne devait pas se reproduise.

« On ne peut pas changer les choses. Ma fille est morte, et elle ne reviendra pas. Mais d’ici la constructi­on du futur établissem­ent, il se passera encore du temps. Et un drame comme celui-ci ne doit pas se reproduire. Il faut prendre les choses en main, changer ce qui peut être amélioré dès maintenant, et apporter tout le soutien nécessaire au personnel soignant ». 1. Prénom d’emprunt

V.D.

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