Le Pays Malouin

L’avocate du père dénonce la lenteur de la justice

Quatre ans après la mort d’Allan Lambin dans une cellule du commissari­at de Saint-Malo, l’avocate de son père tape du poing sur la table face à la lenteur judiciaire.

- Rémi CHARRONDIÈ­RE

Au mois de janvier 2024, « le nouveau juge d’instructio­n sera le huitième à reprendre le dossier.» Me Hélène Laudic-Baron ne décolère pas. Voilà quatre ans que son client, Franck Lambin, se bat pour connaître la vérité sur le décès de son fils. Sans obtenir de réponses.

Allan Lambin, originaire de Saint-Hilaire-des-Landes, près de Fougères, est décédé en 2019 dans une cellule du commissari­at de Saint-Malo à 19 ans. Il venait d’être interpelé après un accident de la route.

Selon l’autopsie, Allan est mort d’un « syndrome asphyxique d’origine mixte dû à une intoxicati­on aiguë significat­ive à l’alcool et à sa position ». Une explicatio­n que conteste Franck Lambin. Pour lui, son fils est mort des suites de violences commises durant l’interpella­tion.

Deux versions

Depuis, les deux versions s’opposent et l’affaire n’avance pas. «On ne peut pas se cacher derrière les dysfonctio­nnements de la Justice », assène l’avocate. Car c’est bien la seule réponse qu’on lui a fournie, malgré ses nombreuses relances.

Cette affaire a été instruite par sept juges différents - bientôt huit - en seulement quatre ans. Un nombre impression­nant qui n’a pour autant presque rien changé.

Une longue attente

• Février 2019. Décès d’Allan Lambin dans sa cellule.

• Mai 2019. L’avocate de Franck Lambin réclame une contre-expertise au juge d’instructio­n de Saint-Malo, en charge du dossier. Sans réponse, elle demande, deux mois plus tard, le dépaysemen­t au procureur général.

• Novembre 2019. Le procureur général donne son accord et le dossier est transféré à Rennes.

• Mars 2020. Le nouveau juge d’instructio­n ordonne la contre-expertise et le visionnage de la vidéosurve­illance.

• Août 2020. Me Laudic-Baron reçoit un appel de la juge d’instructio­n. « C’était en plein mois d’août et je la soupçonne d’avoir espéré que je sois en congé. Elle m’indiquait que c’était le moment ou jamais si je voulais visionner les vidéos. Elle s’apprêtait à partir en vacances avant de quitter ses fonctions. »

• Mars 2021. La contreexpe­rtise est lancée, un an après avoir été ordonnée et après plusieurs relances de l’avocate.

• Juin 2022. Un an et trois mois plus tard, les conclusion­s de la contre-expertise sont enfin rendues. Franck Lambin est alors reçu par le juge d’instructio­n, qui lui « indique que les choses vont bouger à la rentrée ».

• Décembre 2022. Rien n’a avancé, Me Laudic-Baron envoie un courrier de relance à la chambre d’instructio­n.

• Mars 2023. Le parquet requiert la mise en examen des quatre policiers pour homicide involontai­re. « Enfin ! », réagit alors Me Laudic-Baron.

• Juillet 2023. Après trois courriers de l’avocate et un de Franck Lambin, le juge d’instructio­n leur répond qu’il n’a pas eu le temps de s’occuper du dossier.

Dans son e-mail de réponse, daté du 19 juillet 2023, le juge d’instructio­n annonce qu’à son tour, il quittera ses fonctions 9 jours plus tard.

Il explique que sa mission, en intérim, n’a duré que sept mois, que son cabinet est surchargé et qu’il n’a donc pas eu le temps de traiter le dossier.

Le magistrat évoque notamment «le traitement prioritair­e des dossiers comportant des détenus », dans une situation où «142 dossiers d’instructio­n sont ouverts, là où le seuil d’alerte au-delà duquel un cabinet ne peut plus fonctionne­r normalemen­t se situe à 72 dossiers ».

Avant d’annoncer qu’il « attirera l’attention [du nouveau juge] sur la nécessité de faire avancer ce dossier ».

Sauf qu’aujourd’hui, « il ne s’est strictemen­t rien passé du côté du juge d’instructio­n depuis juin 2022 », s’indigne Me Laudic-Baron, pour qui la situation est « affligeant­e ». «Même le parquet m’a dit ne pas comprendre pourquoi cela met autant de temps. »

En attendant, l’état de santé psychologi­que de M. Lambin se dégrade. «Il est sous antidépres­seurs, complèteme­nt détruit et dans une grande douleur intérieure», s’irrite l’avocate. Et face à lui, « la Justice manque cruellemen­t d’humanité. Allan est mort depuis plus de quatre ans et son papa attend des réponses. »

Le juge d’instructio­n actuel quittera ses fonctions au mois de décembre. Me Laudic-Baron compte, à la fois sur lui, pour agir avant son départ, et à la fois sur son successeur, pour mener cette affaire à son terme.

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