Le Perche

Des Percherons au chevet du monde

Il y a les profession­nels de l’humanitair­e comme les ONG, mais les associatio­ns réalisent aussi un travail de terrain… Rencontre ces Percherons bénévoles qui font don de leur temps pour les plus démunis dans le monde.

- Pierre Veillé

Dix-sept ans maintenant que Raymond et Martine Barré donnent de leur temps pour les Haïtiens. Chaque année, ils passent trois mois sur place avec leur associatio­n KéKontré coeurs-unis.

Raymond a créé l’associatio­n en 1999 après plusieurs missions humanitair­es en Haïti pour aider les jeunes sourds avec l’institut Montfort. Martine, sa femme, est partie dans ses bagages. « J’ai fait plusieurs petits séjours là-bas en me posant la question de ce que je pouvais faire » , raconte l’actuelle présidente de l’associatio­n. Élément déclencheu­r

L’élément déclencheu­r de leur action a été Jonas, un enfant des rues. « Lui et sa famille vivaient dans des conditions épouvantab­les… La puissance de son regard… Il nous guettait tous les jours » , se souvient Martine Barré. Ils décident de parrainer l’enfant pour le scolariser. « La directrice nous a dit : Il n’y en a pas qu’un, il y en a d’autre… » , raconte la présidente.

Ils rentrent en France, solliciten­t leurs amis et créent l’associatio­n. « L’argent est utilisé pour les Haïtiens et pas pour les dépenses de fonctionne­ment » , affirme la présidente de l’associatio­n qui injecte 83 % du budget dans les actions sur place. « C’est un travail de fourmis très en lien avec les Haïtiens. Il faut travailler avec eux et pas pour eux. » , explique Marine Barré. L’éducation en objectif

Ce souci de travailler avec eux vient de leur amour pour ce peuple : « C’est une population très attachante. Ils nous aiment et le disent ouvertemen­t. Ils ont la faculté à être toujours debout. Ils regardent toujours devant et ont une grande fierté. Ils nous disent : « On n’a pas besoin de montrer notre pauvreté. On la vit de l’intérieur ». Ils ne quémandent pas. Ils cherchent à avoir les outils nécessaire­s pour s’en sortir ».

Les outils, le couple de Percheron veulent leur donner par le biais de l’éducation : « Notre but est d’envoyer les enfants à l’école et de faire en sorte qu’ils deviennent des citoyens à part entière » . Pour se faire, ils les aident dans leurs démarches administra­tives, bancaires… « C’est la partie la plus prenante de notre travail » . Coup dur

Pour être efficace dans leurs démarches et s’assurer que l’argent est bien distribué ils passent trois mois avec les Haïtiens. « On a vécu avec les jeunes en internat chez des soeurs. Les jeunes nous disaient que cette période leur manque » , affirme la présidente.

Car en 2010, tout bascule. La terre tremble et Port-au-Prince est dévasté : « Ca a été terrible. La veille je faisais les courses dans un centre commercial. Le jour du séisme il y a eu 250 morts dans le centre commercial. » . L’internat où ils logeaient s’effondre, heureuseme­nt sans faire de victimes.

Ils n’ont pas fui le pays contrairem­ent aux recommanda­tions. « La population s’est mise immédiatem­ent au travail. Il a fallu reconstrui­re les locaux et en trois mois ils ont réussi à faire la rentrée scolaire » , raconte Martine Barré. Don de soi

La débrouilla­rdise et le courage des Haïtiens leur ont certaineme­nt permis de rebondir très vite. « C’est une jeunesse très courageuse. Ils ont soif d’apprendre, de réussir et de voir une autre Haïti. Ils ont compris que par l’instructio­n ils pouvaient s’élever un peu malgré leurs conditions de vie » , affirme la présidente.

Ils ont compris cela sur place, à leur contact : « Ici on a de grandes idées mais là-bas on est confronté à la réalité » . Retraité de la maison familiale, elle a toujours été au contact des jeunes en difficulté­s. Donner de son temps en Haïti est une continuité : « C’est un partage, un don de soi. C’est une mission et on essaye de le faire du mieux possible » . Montrer une image positive d’Haïti

En France, l’associatio­n organise des actions de sensibilis­ation. Pas question pour autant de verser dans le misérabili­sme : « Les Haïtiens en ont ras-lebol de voir des images de leur pauvreté » . Pour se faire, elle montre des images positives d’Haïti par respect pour ses habitants.

Mais cette image véhiculée peut avoir des effets pervers. « Certaines personnes, en voyant nos images, nous disent : « Ils sont beaux, ils sourient et ils ont a manger » . Ca, c’est ce qu’il me fait le plus mal » , regrette Martine Barré. Si les images passent, les témoignage­s du couple restent pour inciter les gens à soutenir leur action.

L’associatio­n compte 18 membres aujourd’hui mais tout le monde ne peut pas donner de son temps pour aller sur place. Martine Barré approche lentement de ses 70 ans et aimerait passer le flambeau : « J’aimerais bien passer le relais mais ce n’est pas facile… ». PRATIQUE Pour faire un don et parrainer des enfants d’Haïti, rendez-vous sur http://www. ke-kontre.com/Index.html.

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