Le Perche

Plus de 50 ans dans le cambouis

Le 31 décembre, le garage Pierre Gasseau, l’un des plus anciens commerces encore en activité, baissera définitive­ment son rideau, après avoir ouvert en avril 1959.

- A.E.H.

Liquidatio­n totale : la vitrine du garage Pierre Gasseau est recouverte d’autocollan­ts. Le plus ancien commerçant mamertin en activité - il est âgé de 82 ans - va mettre la clé sous la porte. Après cinquantee­t-un ans de service : vingt-sept années de plus que la distinctio­n de la chambre de métiers qui a récompensé l’artisan pour ses trois décennies d’activités.

Gâpette sur la tête, la moustache parfaiteme­nt taillée, le regard malicieux derrière ses lunettes rectangula­ires, Pierre Gasseau se souvient de son installati­on. « C’était en 1959. Au mois d’avril. » En face de Vercellett­o

De retour de l’Armée, Pierre Gasseau trouvera une place chez Peugeot- Automobile­s, rue Charles-Granger. Un jour, le binôme Maurice Legeay-Louis Dubuisson, dont le garage se situait dans les locaux de l’actuelle BPO, lui propose de reprendre l’affaire. C’est comme ça qu’il débutera à son compte, « avec une boîte à outils » . Il achètera le fonds en octobre 1959 et ouvrira son propre atelier, rue Paul-Bert.

Cinq ans plus tard et quelques centaines de mètres plus loin, il posera sa panoplie de garagiste dans une boutique qui devait accueillir un plombier : rue Ledru-Rollin, juste en face de Vercellett­o, dont il a récupéré les bâtiments après fermeture.

L’entrée du garage se trouvait en face de Vercellett­o. La rue était vivante

Pré-apprenti à 14 ans, puis apprenti à 16 ans, Antoine, le fils de Pierre, était réveillé le matin par les camions qui faisaient le plein devant l’usine. « Pendant que le moteur tournait, les chauffeurs allaient boire un coup au café du coin. » Il était cinq heures du mat’. « Plus de 70 calvas étaient servis le matin » , sourit M. Gasseau.

Une autre époque. « C’était vivant dans cette rue. »

Pierre Gasseau avait son deuxroues. Plus jeune, il faisait son apprentiss­age chez Dreux. « On faisait la route à vélo, entre Suré et La Perrière. On n’avait pas le choix. » Pour les ouvriers, c’était un moyen de locomotion utile, à moindre coût. Les vélos et les cyclomoteu­rs multipliai­ent les allers-et-venus dans la cité mamertine.

Quand il s’est lancé à son compte, le mécano vendait 120 vélos par an, et autant de cyclos. Mamers comptait jusqu’à quatre garages à cyclos. « Nous étions trois pendant longtemps. Ça marchait. C’était bien meilleur qu’aujourd’hui. » Au milieu des années soixante-dix, Pierre Gasseau a été le premier à commercial­iser des Mini Comtesse, ces fameuses voitures sans permis à trois roues…

« Nous avons arrêté de vendre des deux-roues, il y a dix ans. » Les grandes surfaces et l’avènement d’Internet ont eu raison de la vente de pièces détachées dans ces petits garages : « Même nos fournisseu­rs n’arrivent plus à s’aligner » , lâche Antoine. Ecole Honda

« Les grandes surfaces ont cassé la cabane » , déplore le retraité qui dénonce des produits à moindre qualité, « avec des billes en plomb » .

Depuis 1975, père et fils travaillen­t main dans la main. Mais chacun dans leur coin. « On n’a pas les mêmes idées. » Ce pas pour autant qu’ils se font la tronche. Ils ont même l’air complices. « Dans l’ensemble, ça va » , note Antoine qui avoue que « les anciens ont souvent raison, il faut l’admettre ». Le paternel ne rate pas l’occasion : « Quand on a du métier, c’est comme ça. Il ne faut pas oublier qu’en notre temps, on avait des diplômes. On ne pouvait pas s’installer sans en avoir. »

Au mur, à l’entrée du magasin, l’un de ces diplômes sous cadre est accroché au mur. « J’ai fait l’école Honda, dit fièrement Antoine. Pendant un mois, c’était dur mais on sortait avec un diplôme. »

« J’ai le même, réplique Pierre, mais à mon époque, on apprenait plus vite. »

A la retraite depuis dix ans, le Mamertin n’a jamais songé à arrêter. « J’ai continué pour m’amuser » , dit-il en montrant ses mains. La baisse du chiffre, inversemen­t proportion­nelle à la hausse des charges, le contraint à mettre un terme à sa longue carrière. « Plus ça va, commente-t-il, plus on tombe des escaliers. Cela fait trois, quatre ans que les bilans commencent à être moins bons. » Lui et son fils ont décidé de couper le moteur avant que la chute ne soit trop brutale.

Antoine se tournera vers sa passion : la préparatio­n des Solex, vieux scooters et vieilles motos qu’il sort de temps dans les rues de Mamers. Quant à Pierre, entre deux rangements dans l’atelier, il consacrera son temps à sa Simca Aronde.

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Pierre et son fils Antoine travaillen­t ensemble depuis 1975. Antoine Gassot, passionné de mécanique depuis sa plus tendre enfance. La maman d’Antoine Gasseau et sa marraine.

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