Alain Lambert quitte la scène politique
Alain Lambert a démissionné de la présidence du Conseil départemental de l’Orne. Après plus de trois décennies de fonctions exécutives. Questions en forme de bilan.
Alain Lambert va rester conseiller départemental, présider la commission des Finances, s’occuper des dossiers du futur : Orne Métropole (un vocable au bénéfice duquel des financements pourraient être accessibles dans les années à venir), école universitaire de médecine générale. Il ne se représentera pas en mars 2020. On ne le verra plus beaucoup sur le terrain officiel. Votre état d’esprit ? « Un état d’esprit de tranquillité, de consensus, de paix et de réconciliation avec tous ceux que j’ai eu l’occasion de rencontrer » La vie politique est rude ? « Elle donne lieu à des rapports de force permanents, à des luttes, des conquêtes, des controverses, des compétitions, une sorte de tintamarre incessant et brutal.
Je souhaite me soustraire définitivement à cette vie qui ne correspond pas à ma nature » Pour faire quoi ? « Cultiver une belle sérénité, maîtriser mon temps, réfléchir et agir pour le long terme, et non plus sous la tyrannie de l’urgence et du quotidien » Injuste avec…
La maladie née l’été dernier a joué un rôle dans votre décision ?
« Elle m’a offert le temps de réfléchir au sens de la vie. Sens que l’on perd dans le tourbillon d’une vie d’élu, sans s’en rendre compte. Il y a un après »
Vous avez failli démissionner en juillet 2016, mois de vos 70 ans : vrai ou faux ?
« Vrai. Mais je m’y suis pris tard. Et j’ai été happé par la maladie. »
Vous éprouvez le besoin de vous réconcilier avec qui ?
« Une trop grande partie du temps de cerveau disponible des élus est consommée dans des querelles intestines, des heurts d’ego froissés, des non- dits, une forme d’hypocrisie distinguée qui empoisonnent la vie publique. J’entends exclusivement jouer un rôle de vieux sage pour favoriser l’entente et le consensus entre tous les acteurs ornais » Vos priorités, désormais ? « La révolution numérique va transformer nos vies et l’organisation de nos territoires, d’où la construction du pole numérique.
La seconde priorité est la démographie médicale. Sans action non seulement forte, mais en plus imaginative, nous sommes menacés dans moins de 10 ans de ne plus avoir de médecins. D’où notre idée d’ouvrir (en septembre 2018, dans les locaux de Startech) une école universitaire de médecine générale numérique directement connectée avec la faculté de Médecine et en partenariat avec l’agence Régionale de Santé ». Christophe de Balorre « apprendra vite »
Pourquoi avoir choisi Christophe de Balorre pour vous succéder ?
« C’est l’assemblée départementale qui choisit son président ».
Est-il aisé de désigner un successeur ?
« On ne désigne pas un successeur, on recherche un consensus sur une personne ». La réforme territoriale ? « Les grandes régions, les grandes métropoles, les grandes intercommunalités sont des ma- chines à vider l’espace rural.
Sans parler des gaspillages. La grande perdante de cette folie sera la proximité. » « Ne pas confier son destin »
Le Département est maltraité ?
« Oui et c’est une grave erreur du Gouvernement. Il les accule financièrement. Tout cela pour le fallacieux prétexte de réduire le millefeuille. C’est lui qui alimente ce millefeuille en imposant de créer des syndicats mixtes pour tout et n’importe quoi. »
La Région renforcée, ce n’est pas bon ?
« Le soi-disant renforcement des régions est une autre tartufferie. Elles devaient s’agrandir pour rivaliser avec d’autres à l’international : elles se sont mises à mener des politiques cantonales. Les départements vont devoir promouvoir eux- mêmes leurs activités à l’extérieur. Ce n’est pas leur job. Ce chamboule-tout est ruineux et inefficace. » Morin oublieux ?
Hervé Morin (UDI comme vous), président de la Région Normandie…
« Il a la mémoire courte. Je lui souhaite de la retrouver avant les prochaines élections. Sans les 4 000 voix offertes par les Ornais au second tour, il ne serait pas élu. Nous avons tout fait pour apaiser les esprits pendant sa campagne, après des propos pour le moins déplacés concernant l’Orne ». C’est fini, la lune de miel ? « Le soir même de son élection, il a invité les présidents de Département. Mais les mauvaises manières ont recom- mencé. Ses prises de parole à l’endroit des départements sont régulièrement désobligeantes.
J’aime la courtoisie, l’élégance, la prévisibilité et le respect mutuel entre collectivités. Pour l’instant, il lui reste beaucoup de marges de progrès ».
Terrenoire, Doubin, Lambert… Seulement trois ministres ornais en soixante ans…
« Nous devons toujours plus renforcer notre influence à l’extérieur et notamment à Paris. Fabriquer un ministre dans l’Orne doit être un projet. A nous de « former » un ou deux profils de ministres en permanence, de droite comme de gauche. Nos voisins le font ». Fusion Etat-Département
Etat-Département : il y a du gaspillage ?
« Dans les départements de notre taille, nous devrions fusionner les services de la Préfecture et ceux du Conseil départemental.
Le préfet serait en uniforme et le président du CD en civil, pour bien marquer la différence de fonction. Ils conserveraient leurs prérogatives de droit.
Nous ferions de grandes économies et on s’épargnerait des prises de tête quotidiennes.
L’idée, c’est que les services ne soient pas rivaux, comme c’est souvent le cas».
N’est-il pas temps de supprimer les départements ?
« Moins que jamais ! Sauf à nous faire dépouiller de nos médecins, de nos hôpitaux, de nos sièges sociaux, de nos emplois et de nos pouvoirs de décision. »