Le Perche

Un amoureux des planches

Parrain du festival « Mamers sur scène », qui se déroule au théâtre municipal de Mamers les 9, 10 et 11 juin, Jean-Paul Alègre, l’un des auteurs contempora­ins les traduits dans le monde, se livre en toute simplicité. Rencontre

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Pourquoi avoir accepté de parrainer ce festival ?

« J’ai rencontré les membres de la 7e compagnie alors que j’étais parrain de la 30e Rencontre nationale de Théâtre, près de Royan.

J’ai tout de suite sympathisé avec cette équipe, talentueus­e. Lorsqu’ils m’ont demandé de parrainer également le nouveau festival qu’ils comptaient créer à Mamers, j’ai tout de suite accepté.

Se lancer dans ce genre d’aventure, c’est particuliè­rement courageux. » Connaissie­z-vous Mamers ?

« J’ai la chance de me déplacer constammen­t dans toute la France pour aller voir mes pièces, participer à des festivals, des rencontres. Je connaissai­s donc déjà la région du Mans. J’avais bien sûr entendu parler de votre ville. Je suis un gourmand, et, désolé de casser peut-être un peu le rêve, mais Mamers évoquait pour moi des rillettes de qualité, et j’avoue qu’un bon sandwich rillettes-cornichons, c’est pas mal du tout. Mais je ne crois jamais avoir eu l’occasion de séjourner dans cette ville, dont j’ai appris depuis qu’elle possédait un fort beau théâtre et était très active. Culture et gastronomi­e, c’est parfait ! » Avez-vous déjà croisé les troupes qui vont s’y produire ?

« Je suis un passionné de spectacle vivant. J’ai présidé pendant plus de dix ans les Ecrivains Associés du Théâtre et la commission théâtre de la SACD, je préside de nombreux festivals, je connais donc bien le paysage théâtral… J’identifie donc très bien l’ensemble des acteurs de ce festival. J’ai beaucoup de respect pour le travail d’un Stéphane Belland, ou d’un Didier Baffou, par exemple, et je trouve Cécile et Thibault Guillocher formidable­s. Et l’ensemble du programme est très alléchant. » Pouvez-vous vous présenter ?

« Il est toujours très délicat de se présenter soi-même. Disons que je suis avant tout un amoureux du théâtre et que j’ai eu l’énorme chance qu’un grand éditeur de théâtre, L’Avant-Scène, me fasse très tôt confiance, ce qui a permis à mes pièces de circuler dans plus de quarante pays. A partir de là, comme je vous le disais il y a quelques instants, j’ai souhaité m’investir dans la défense des auteurs, pour permettre à mes consoeurs et confrères de voir leurs oeuvres circuler également. Une pièce qui n’est pas jouée, c’est comme une fleur qui ne s’ouvre pas. Je suis très fier de cette action, et ma présence à Mamers en scène se situe dans cette continuité. Partout où l’on veut bien se passionner pour le spectacle vivant, j’essaie d’apporter ma contributi­on. » Vous êtes l’un des auteurs contempora­ins les plus traduits dans le monde et vous trouvez le temps de participer à Mamers en scène…

« Il n’y a pas de grand et de petit festival. Il y a des amoureux des planches, donc de la vie, du partage, de la fraternité. Le théâtre est le lieu où l’on ne peut pas faire l’économie de l’autre. Monter sur les planches, c’est un acte magique qui veut que des vivants s’adressent à des vivants. C’est le lieu de la confrontat­ion des idées, de l’émotion, du rire, du plaisir de parcourir un chemin ensemble. » Qu’est-ce qui vous inspire pour écrire vos pièces ?

« Tout. Une rencontre, par exemple. Ma dernière pièce «Moi, Ota, rivière d’Hiroshima» est née de ma rencontre avec le Maire de cette ville. Alors que je me trouvais au Japon pour voir une autre de mes pièces, j’ai été amené à le rencontrer alors que je présidais l’anniversai­re d’un centre culturel franco-japonais, dans sa ville. Nous avons parlé de ma visite du mémorial pour la paix, le matin même, et il m’a fortement incité à écrire une pièce où je donnerais la parole à la rivière qui traverse sa cité. Ce qui fut fait. » Si vous n’aviez pas été auteur, qu’auriez-vous aimé faire ?

« Tous les métiers sont magnifique­s, à condition que l’on y apporte de la passion. Moi qui suis un piètre musicien, j’ai une grande admiration pour les chefs d’orchestre. Mais j’ai la même admiration pour mes amis bergers dans la montagne basque, parce qu’ils savent faire ce que je ne sais pas faire. Ce qui compte c’est d’être à la bonne place au bon moment. J’adore le sport aussi. J’ai un fils qui est un sportif de haut niveau, champion de France de sa discipline, et cela me fascine. Mais j’aurais bien aimé également les métiers de la justice, à l’image de ma fille aînée, qui exerce dans ce domaine, ou dans la diplomatie, à l’image de ma cadette qui est chef de cabinet d’un ambassadeu­r de France. Vous voyez, il fallait mieux que je sois auteur, finalement, c’est plus simple ! » Les hommes politiques vous inspirent-ils ?

« Tous sont source d’inspiratio­n. Soit par leur exemplarit­é, soit, hélas, par leur médiocrité. Mais je refuse de participer à l’idée que notre classe politique est catastroph­ique. Pour quelques tristes cas, qui font tant de mal, que de passion, là encore, et souvent d’abnégation. Hommes politiques et gens de théâtre, nous faisons un peu le même métier : nous nous occupons de l’humain. » Pourquoi faudrait-il enseigner (davantage) le théâtre à l’école ?

« L’école est essentiell­e. La pièce sur Hiroshima, dont je vous parlais, vient d’obtenir la Prix ado du théâtre contempora­in. Cela m’amène à rencontrer de nombreuses classes qui travaillen­t sur ce texte. On se rend compte à quel point le théâtre, par son côté accessible, peut faire gagner du temps et passionner des élèves qui seraient passés à côté de certains sujets. » Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un jeune qui voudrait se lancer dans le théâtre ?

« D’être bien conscient que c’est souvent très compliqué et, par conséquent, d’être prudent, et de prévoir un autre métier qui pourrait lui permettre d’exercer sa passion en amateur, par exemple. Ce qui nous ramène à Mamers en scène, ce festival qui a l’intelligen­ce de mêler les pratiques amateurs et profession­nelles. L’essentiel, encore une fois, c’est de garder dans sa vie une place pour le spectacle vivant, espace de liberté et de démocratie. »

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