Elise redonne vie au cuir de Russie
Avec Cuir de Russie, mémoire du tan (éd. Monelle Hayot) l’artisane mortagnaise retrace les étapes qui ont redonné vie à un cuir d’exception, disparu depuis la révolution industrielle.
Mortagne-au- Perche.
C’est un morceau de cuir intact. Pourtant, il a passé 200 ans dans les fonds marins, au large de l’Angleterre. Quand la spécialiste de cuir ancien, Élise Blouet, l’a tenu entre ses mains il y a quatre ans, la stupéfaction a été totale. « La pièce a été récupérée dans une épave. Malgré toutes ces années au contact de l’eau de mer, le cuir est resté beau, solide. Je me suis demandé d’où il venait, et s’il était encore fabriqué » , raconte l’artisane, installée dans le centre-ville de Mortagne-auPerche depuis quatre mois. Quatre années de recherche
Les premières analyses permettent d’identifier le cuir de Russie. Un cuir d’exception, fabriqué au XVIIe siècle, dans la région de Moscou. « Il a un grain particulier et une odeur typique » , décrit Élise Blouet. Une odeur de fumé. Rien de comparable avec le cuir actuel. On le retrouve sur des objets de valeur : belles reliures, siège du XVIIIe, harnachement de cérémonie de Charles X, ou encore poire à poudre Louis XIII. Depuis ? « Avec la révolution industrielle et la Révolution russe, le procédé de fabrication du cuir de Russie a totalement disparu » , répond la spécialiste. Le « mystère » planait autour de cette matière aux multiples vertus (imputrescible, résistante à l’eau et aux insectes). Tanneur, scientifiques, parfumeur
Pour retrouver la recette, unique, du cuir de Russie, Élise Blouet s’est entourée d’un tanneur ( Andrew Parr, basé en Angleterre), de scientifiques et d’un parfumeur. Ce dernier a permis d’identifier les huiles et tannins végétaux utilisés. À force d’essais et de recherches acharnées, Élise Blouet et son équipe ont fini par mettre le doigt sur les ingrédients secrets, ainsi que sur les étapes nécessaires à la réalisation du cuir de Russie.
C’était il y a deux ans. « Depuis, nous avons encore affiné notre technique » , renseigne l’artisane.
Le premier contact avec cette peau d’excellence recréée quatre siècles après sa disparition a été « un moment fort » . Un événement, pour les connaisseurs du monde entier. Depuis, le tanneur anglais produit et vend, en petite quantité : la fabrication d’un cuir de Russie nécessite un an de travail. Les clients ? « Quelques experts de la maroquinerie, sellerie, bagagerie » .
Dans son atelier mortagnais, Élise Blouet, crée, elle aussi, des pièces avec la matière ressuscitée. Des commandes pour de grands noms, qu’elle préfère taire. Une activité marginale : son coeur de métier est la restauration, à destination des musées et collectionneurs. Événement mondial
Pour partager son incroyable expérience, la quadragénaire a conté son histoire à Sophie Mouquin, ex-directrice des études de l’École du Louvre. Elle en fait un livre. Illustré de nombreuses photos et documents, Cuir de Russie, mémoire du tan vient de paraître aux éditions Monelle Hayot. Élise Blouet (invitée par la librairie Majuscule) viendra en parler samedi 24 juin, à la médiathèque de Mortagne-au-Perche.