Préemption : l’acquéreur lésé fait condamner la mairie
Bellême.
Le tribunal administratif de Caen a donné raison à un entrepreneur de Bellême, qui lui avait demandé, le 24 juin dernier, de suspendre le droit de préemption exercé par la mairie sur un terrain bâti qu’il convoite, avenue de Stuhlingen. La mairie souhaite y installer de menuiserie pour favoriser la création d’emplois.
Propriétaire du terrain et de l’immeuble qui s’y trouve, la SCI de l’Aunay avait conclu un compromis de vente, le 24 septembre 2015. Pascal de Moor, épaviste, s’était engagé à acquérir le bâtiment pour 90 000 euros. Seulement, la mairie décide alors d’exercer son droit de préemption. La collectivité prévoit d’y implanter l’atelier de fabrication d’une entreprise locale de menuiserie.
Pour la mairie, le projet doit favoriser « la création d’emplois supplémentaires » sur la commune. Seulement, l’acquéreur lésé s’interroge sur les motivations de la collectivité. Et le tribunal administratif lui a donné raison. Dans leur délibéré, les magistrats relèvent que la commune ne s’était pas engagée, « à la date de la décision attaquée, dans une démarche visant au développement des activités économiques et à la création d’emplois » .
La mairie, qui n’avait pas défini d’opération d’aménagement au moment de sa décision, n’avait donc pas le droit de faire valoir son droit de préemption sur le terrain au coeur du litige. Selon le tribunal, le projet, « eu égard à sa faible ampleur » , ne présente pas « le caractère d’une opération d’aménagement ayant pour objet d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques » .
Lors de l’audience, le rapporteur public avait reproché au maire de Bellême « un détournement de pouvoir » . Après avoir insisté sur « l’opportunisme » de la commune, le magistrat avait souligné que les produits de la menuiserie seraient vendus dans un magasin du centre-ville, « dont les locaux appartiennent à l’élu » .
En outre, la justice relève que la décision est « entachée d’illégalité » . Si la communauté de communes du Pays Bellêmois a délégué à la commune l’exercice du droit de préemption, elle n’a pas été en mesure de prouver que sa décision a bel et bien été affichée ou publiée, comme la loi l’y oblige pourtant. Les juges caennais soulignent que la collectivité « n’indique pas à quelle date » cet affichage est intervenu.
Pour toutes ces raisons, le tribunal administratif a donc annulé la décision du maire de Bellême, d’exercer son droit de préemption, le 21 décembre 2015. La commune a également été condamnée à verser 1 500 euros à Pascal de Moor, pour ses frais de justice.