Le Perche

Jean Nicolas livre les secrets de Citroën

Il est à l’origine de la Citroën SM et de plusieurs autres véhicules pour le compte de la marque française. De 1960 aux années 80, Jean Nicolas faisait partie du lieu le plus fermé de Citroën : le Bureau d’études automobile. Rencontre.

- Raphaël Hudry

Perche. C’est un temps que les moins de quarante ans n’ont pas connu. Le lancement de la Citroën SM en mars 1970, modèle mythique de la marque aux chevrons mais dont la durée de production n’a duré que cinq ans. Derrière cette voiture un peu particuliè­re qui utilise la base de la Citroën DS1, le Bureau d’études automobile, alias BEA, le départemen­t le plus impénétrab­le de Citroën chargé d’innover pour les futurs modèles de la marque. Seuls quelques privilégié­s y travaillen­t, dans le plus grand secret. « Je n’ai pas travaillé chez Citroën »

Parmi eux, Jean Nicolas. Né à Boulogne-Billancour­t en 1935, il a passé son enfance à Bonnefoi, non loin de Moulins-la-Marche. Entré chez Citroën à 16 ans, en 1951, il y est resté jusqu’à sa retraite en 1992 « Je n’ai pas travaillé chez Citroën, car Ci- troën est mort l’année où je suis né » , corrige-t-il d’emblée.

1935, l’année de la reprise de la marque par Michelin et du décès d’André Citroën, fondateur de l’empire industriel éponyme. Un lien fortuit avec un homme que Jean Nicolas admire pour sa culture de la passion. Il se réjouit toutefois d’avoir « eu la chance de côtoyer des gens qui avaient dialogué avec André Citroën » .

Après avoir failli entrer chez Renault, le rival, Jean Nicolas intègre donc l’école Citroën en 1951 pour être formé. D’abord en tôlerie et carrosseri­e, où il est embauché trois ans plus tard. Le jeune homme se retrouve finalement au traçage-contrôle des pièces, avant d’entrer au Bureau d’études automobile en 1960. « En fait, je n’ai pas exercé le métier pour lequel j’avais été formé car je n’ai fabriqué aucune pièce » , sourit-il.

Fabriqué, non, mais imaginé, oui. Le BEA est en effet chargé de trouver les technologi­es qu’utiliseron­t les véhicules de demain. En clair, innover. «A l’époque, le poids, c’était l’ennemi, souligne Jean Nicolas. Je cherchais à avoir les meilleures performanc­es avec le moins de consommati­on possible. » « Nul n’est le père d’un véhicule »

Son atout, c’est son talent pour le dessin. La Citroën DS est le premier véhicule sur lequel il travaille, puis, quelques années plus tard, on le charge d’un projet de coupé qui deviendra la SM Sport Maserati. De 1967 à 1970, ses plans ont ainsi servi de base à l’élaboratio­n de la Citroën SM. Jean Nicolas refuse toutefois de se considérer comme le père de la SM. « Nul n’est le père d’un véhicule, tranche-t-il, modeste. C’est un travail d’équipe.

Et pourtant, Jean Nicolas est bien le cerveau derrière l’innovation qui a donné naissance à la SM. A savoir, utiliser la carrosseri­e de la DS adaptée pour recevoir un moteur Maserati plus puissant. Permettant, au passage, de sauver une usine de production. Une voiture dont la production s’arrête finalement en 1975, en même temps que la DS. « La SM s’est arrêtée parce que les pièces de DS se sont arrêtées, elles coûtaient cher pour peu de véhicules » , se rappelle le dessinateu­r.

et leurs dérivés. Dont certains modèles dédiés aux compétitio­ns, comme la SM Michelin, « le véhicule le plus rapide de la marque à l’époque » . « Je suis à l’origine de quelques inventions pour le compte de

PSA » , poursuit Jean Nicolas, dont certaines de ses réalisatio­ns et brevets sont encore utilisés par l’entreprise.

Comment définir une carrière dans le Bureau d’études, un départemen­t qui « vit dans

l’ombre » ? « C’est toute une vie de recherche et une course continuell­e pour être le meilleur, améliorer les performanc­es… C’est très difficile et cela engendre de la jalousie » . Ironiqueme­nt, comme Jean Nicolas le fait remarquer, même après des années de travail sur un véhicule, une fois la voiture élaborée, « je passe à

autre chose » .

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Aujourd’hui retraité, Jean Nicolas conserve des maquettes de modèles sur lesquels il a travaillé.

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